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L'Ukrainienne Joseph Winkler

J’ai acheté ce livre bien avant la guerre en Ukraine, attirée par le titre et surtout l’auteur que j’avais déjà lu 
Lecture et événements se sont télescopés.

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Alors qu'il termine un manuscrit, en 1981, Joseph Winkler s’ installe dans une ferme près de sa vallée natale de Carinthie, à Mooswald. 

Il fait la connaissance d'une femme d'origine ukrainienne, Nietotchka Vassilievna Oliachenko,  qui va lui raconté sa vie... 

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Tableau d'Anastasia Rak 

 

Le roman se compose de deux parties. 

Dans la première partie on suit l’installation de l’auteur à la ferme, sa participation aux travaux agricoles, fenaison, cueillette des baies, soins des bêtes et le début de ses entretiens avec la maitresse de maison installée là depuis la guerre. 

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Petit à petit les mots arrivent, toute la parole retenue depuis des décennies, se déverse.

Un récit voit le jour, récit du destin d’une femme, d’une famille et au delà  d’un pays entier.

Ne vous attendez pas à un récit romanesque, non c’est brut de décoffrage, sans fioriture aucune, les phrases s'enchaînent sans style littéraire, les souvenirs et anecdotes se pressent,  le discours est souvent répétitif, illustrant combien les souvenirs sont encore vivants dans l'esprit de Nietotchka.

Si vous ne connaissez rien de l’histoire de l’Ukraine vous allez en même temps prendre une leçon d’histoire. 

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La chasse et les arrestations de Koulaks

L’enfance pauvre dynamitée par la chasse aux Koulaks du pouvoir soviétique, par l’expropriation des paysans, par l’interdiction de cultiver la terre, les réquisitions qui vident le garde manger. La fuite du père pour échapper aux arrestations, la faim qui s’intalle.

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Holodomor en Ukraine 

Et là Nietotchka parle de sa mère, Hapka Davidovna Iliachenko, son héroïne, son modèle. 
Une mère qui paie le prix fort pour assurer une subsistance à ses deux filles.

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La famine que l'on cherche à fuir 

Mais le destin est bassement joueur car après avoir survécu à l’Holodomor, Hapka voit ses filles déportées en Autriche par les nazis. 
Déportation dans des wagons à bestiaux pour traverser l’Europe centrale.

L’arrivée à 15 ans dans une ferme dont Nietotchka ne connait rien, elle est la servante, la Russe avec tout le mépris sous ce nom, séparée de sa soeur qui va vivre dans une autre vallée.
Le soir elle regarde en direction de l’Ukraine

« J’ai tendu les bras et j’ai sangloté. Je regardais vers l’est et je me disais Maty doit être là-bas. Je n’arrivais pas à comprendre que j’étais loin de ma mère. Je la cherchais sans cesse, sans cesse, je me postais sur le balcon et je regardais vers l’est ou bien je me tenais dans ma chambre près de la fenêtre à l’est et je l’ouvrais comme si je voulais l’appeler, comme si je voulais l’entendre m’appeler. »

La mère et les deux filles sont doublement victimes, et pourtant Nietotchka parle sans haine. 
« Là-bas, en Russie, les gens ne sont pas plus mauvais que ceux d’ici »
Elle parle avec un fatalisme, une humilité et un courage qui laissent le lecteur abasourdi.

Le récit est suivi des lettres échangées entre Nietotchka et sa mère Hapka Davidovna Iliachenko. On y sent toute la douleur de cette femme, privée de ses filles, dans l’incapacité des les rejoindre, tout rapprochement étant impossible par manque d’argent et le rideau de fer.

Cette histoire a profondément marqué Joseph Winkler 
« Depuis que j'ai quitté Nietotchka Vassilievna, je ne lis presque plus que de la littérature russe. Chez Dostoïevski, chez Tchékhov, chez Gorki, chez Tourguéniev, le long du Dniepr, je cherche encore des traces de la petite Nietotchka Vassilievna Iliachenko, de sa mère Hapka Davidovna Iliachenko, de son père Bassili Grigotovitch Iliachenko. Si je déploie une carte, c'est toujours la carte de la Russie. »

Nous lecteur nous sommes parfois perdu dans ce récit, les repères chronologiques sautent, il n’y a aucun effet littéraire, les répétitions disent toute la douleur, les souvenirs épouvantables, mais c’est ce qui confère à ce récit une force inimaginable.

J’ai aimé l’humilité de Joseph Winkler, s’effaçant derrière l’Ukrainienne, lui rendant la grandeur de son histoire, lui conférant une vérité magnifique.

« Nietotchka Vassilievna Iliachenko m’a extirpé de mon recoin où les araignées avaient déjà tissé leurs toiles »

Un livre que je ne peux que vous recommander, comme un accompagnement à la terrible réalité que vit l’Ukraine en ce moment.

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Le livre : L’Ukrainienne   Joseph Winkler  Traduit par Bernard Banous   Editions Verdier 

 

Commentaires

  • Tout à fait des régions du globe dont on a l'impression qu'elles n'en finiront jamais de souffrir d'être envahies d'être sous la coupe des tyrans

  • Merci Dominique pour cette proposition d'aborder l'actualité sous un angle différent. Je ne regarde pas la TV ni n'écoute la radio, juste le podcast quotidien de France culture "Guerre en Ukraine" bati à partir des appels de journalistes sur place, mélange de témoignages du quotidien et d'observations des journalistes. Je vais chercher ce livre§

  • A cause de la guerre je me suis remis à écouter les infos le matin et le hasard a voulu que je lise ce livre juste avant c'est une coïncidence qui m'a rappelé à quel point ces pays et ces peuples ont souffert par le passé et continuent de souffrir

  • J’ai eu beaucoup de mal avec la première partie. Les travaux de la ferme ça va mais ses réflexions sur la société et sur sa vie… Je me doutais que ce serait plus intéressant pour quelqu’un comme toi ayant déjà lu l’auteur. En revanche deuxième et troisième parties sont vraiment prenantes !

  • effectivement les parties sont assez distinctes
    je n'ai pas éprouvé de difficultés mais comme tu le dis peut être était ce parce que j'avais déjà lu l'auteur
    néanmoins rien que le témoignage vaut la lecture

  • Que dire? Je doute me lancer ans ces lectures aujourd'hui, déjà la radio me navre (OK, je n'ai pas la télé)

  • pas de télé pour moi non plus mais l'histoire de ces peuples me touche énormément j'ai voyagé à l'Est comme l'on disait autrefois et je garde un souvenir fort de l'accueil et de la souffrance de ces gens et je n'arrive pas ces jours ci à penser à autre chose hélas

  • à lire absolument en ce moment mais ce que tu dis sur l'écriture me retient un peu je vais le mettre au programme de cet été.
    Je crois avoir vu chez toi un billet avec des titres sur l'Ukraine , mais je ne retrouve pas ce billet.

  • voici le lien vers le billet sur l'Ukraine
    http://asautsetagambades.hautetfort.com/archive/2022/02/28/ukraine-une-terre-de-sang-6368660.html

  • Ah oui, c'est en plein dans l'actualité. Je n'ai pas lu cet auteur encore, je le note. Je commence à nettement mieux me repérer dans l'histoire de l'Ukraine, mais on n'en sait jamais assez et rien ne vaut les témoignages de celles et ceux qui l'ont vécue.

  • l'histoire globale pour moi était claire grâce à bien des lectures dans les années passées mais la force d'un témoignage c'est autre chose
    un auteur un peu difficile mais là dans les 2/3 du livre il s'agit du témoignage d'une femme simple qu'il ne remanie pas qu'il livre brut et fort

  • C'est bien et indispensable de s'abreuver à plusieurs sources pour tenter de comprendre ce qui se passe dans cette région du monde... Que de souffrances humaines, c'est terrifiant ! Doux week end Dominique. brigitte

  • j'aime croiser et varier les points de vue pour ne pas se laisser aller aux jugements hâtifs

  • je le note mais je lis beaucoup sur cette partie du monde et souvent j'ai besoin de m'évader!

  • ça je peux comprendre après cette lecture j'ai enchainé avec des choses légères

  • Je n'ai pas encore eu le courage de me lancer dans une de ces lectures, mais je compte bien le faire. Très intéressant, comme toujours.

  • il faut parfois choisir son moment

  • C'est un éternel recommencement, les nazis (avec déjà les russes ne pas l'oublier), ont semé la terreur qui renaît aujourd'hui pour servir les désirs de grandeur d'un homme !!!

  • ce sont les invasions successives qui ont marqué cette nation, chacun des envahisseurs marquant le territoire de sa patte griffue et violente, les populations ne sachant plus à quel saint se vouer ont fini par obéir à des tyrans des deux cotés

  • J'ai du mal à relier mes lectures à l'actualité, ça me fait à la fois mal au coeur et me met en rage... Et j'admire ceux qui réussissent à s'informer grâce à la littérature.

  • en fait cela remonte à loin pour moi avec la lecture de Blonds étaient les blés de l'Ukraine une lecture plutôt destinée aux jeunes mais du coup je n'ai jamais cessé de lire autour de ces pays comme quoi les lectures que l'on fait jeune marquent à jamais

  • Important de comprendre le présent à la lumière du passé, très.
    La première partie, agricole, m'intéresse aussi.
    Certaines parties du monde, de par leur position géographique, attirent sur elles toutes les convoitises et donc violences, terrible pour les habitants !!!
    Bon dimanche et merci Dominique..

  • nous sommes en période électorale ici et c'est d'autant plus important de se rappeler ce que fait un pouvoir sans limite !!!

  • je l'ai noté récemment, je n'ai jamais lu l'auteur. je l'ai demandé à la bibli...on va voir si ils l'achètent ou si la médiathèque départementale l'a, et le prête.

  • un auteur un peu rare sur les blogs, il a pas mal publié chez Verdier j'en ai lu l'essentiel mais pas tout

  • Ton article sur les différents auteurs ukrainiens m'avait déjà beaucoup plu.
    Un nouveau livre qui surement permet de mieux comprendre.
    Quelle souffrance pour ce peuple...
    Merci de nous avoir offert d'autres sources Dominique !

  • ce livre témoignage est passionnant parce qu'il illustre parfaitement le devenir de ces pays qui n'ont connu qu'invasions, tyrannie et massacres

  • un livre que j'ai acheté avant la guerre parce que ma lecture de l'auteur m'avait beaucoup plus même si il est un rien difficile d'accès

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