Il fit de la nuit son royaume
Que diriez-vous de passer par la Lorraine pour un voyage artistique ?
Jacques Callot est lorrain, Claude Gelée aussi d’où son nom mais surtout, surtout, Georges de La Tour est lorrain.
Le Vielleur - Musée des Beaux Arts de Belgique
A l’origine ce tableau comprenait aussi un violoniste, La Tour a traité plusieurs fois ce thème et l’on retrouve un Vielleur au ruban au musée du Prado
Question biographie c’est assez vite résumé, on ne sait pratiquement rien de lui. Enfin j’exagère un peu, on sait qu’il est né à Vic où il a passé pas mal d’années et Jacques Thuillier insiste « on ne dira jamais assez que La Tour n’est pas un artiste français » car à l’époque c’était un territoire appartenant aux Ducs de Lorraine et son destin s’en trouva marqué.
Il fit un apprentissage dont on ne sait rien. On suppose qu’il fit le voyage à Rome un incontournable pour les peintres de cette époque mais rien ne le confirme sauf qu’à Rome vivait une société importante de lorrains.
Retour en Lorraine et mariage avec Diane qui lui servira parfois de modèle.
Jacques Callot illustrera la guerre et la peste qui chassent Georges de La Tour de Vic.
Jacques Callot Les Misères de la guerre
Il s’établit à Lunéville sous la protection des Ducs de Lorraine, le duché est terre de la contre-réforme et les sujets religieux seront à l’honneur.
Peintre très réaliste à ses débuts il n’est pas un peintre de la nature et celle-ci est absente de ses tableaux.
Puis son inspiration le portera vers le travail de la lumière et les toiles nocturnes dont on pouvait croire les flamands comme seuls maîtres.
Mais il peint aussi des tableaux diurnes comme La Nativité ou l’adoration des bergers.
« Les oranges et les rouges de La Tour brûlent par-delà le temps comme des braises.Pascal Quignard »
Il meurt à Lunéville et ....sombre dans l’oubli jusqu’en 1863 où on le « redécouvre ». C’est sans doute l’exposition de 1972 qui le fit connaitre mieux de grand public.
Le livre de Jacques Thuillier est parfait pour connaitre un peu mieux le peintre et le situer dans son époque. On comprend bien son parcours et les reproductions sont de très bonne qualité. J’ai acheté ce livre d’occasion pour très peu cher et je ne regrette pas mon achat.
Saint Jacques
Mais pour entrer dans le secret des tableaux de Georges de La Tour la compagnie de Pascal Quignard est parfaite. Il nous le montre obéissant aux leçons du Caravage.
Il a une manière bien à lui de délivrer les secrets du peintre et d’interpréter ses tableaux. C’est lui qui dit « Il fit de la nuit son royaume » « Les oranges et les rouges de La Tour brûlent par-delà le temps comme des braises. »
Ou encore « Georges de La Tour élut la vie quotidienne la plus simple, la plongea et la simplifia encore dans la nuit, pour la revêtir du reflet de grandeur qu’est la luisance, la couche de lumière. »
« c’est le maître des nuits. C’est le maître des regards tournés en dedans. C’est le maître des paupières baissées. »
Pour Pascal Quignard Georges de La Tour est LE baroque janséniste, ses personnages « sont immobiles, divisés entre la nuit où ils s'élèvent et la lueur qui les éclaire en partie. Surgissant dans l'ombre, touchés par un fragment de lueur, ils tiennent en suspens un geste incompréhensible »
A vous de choisir : Jacques Thuillier pour la précision et l’étude complète, Quignard pour la beauté des mots alliée à la beauté des oeuvres.
Les livres :
Georges de La Tour - Pascal Quignard - Editions Flohic 1991
Georges de La Tour - Jacques Thuillier - Editions Flammarion 2002 et 2013
Commentaires
Une reproduction de La Madeleine à la veilleuse ou Madeleine Terff me sert de marque-page quand je lis Pascal Quignard. Et son livre sur ce peintre dont j'ai le texte paru aux éditions Galilée est vraiment beau :
"Un tête-à-tête de l'homme avec lui-même à l'aide d'une flamme." (Pascal Quignard)
Je crois que c'est le même texte qu'aux éditions Flohic en effet je n'ai pas osé le mettre dans le bille car je n'en étais pas sûre
Le fil conducteur qu'est Georges de La Tour est lumineux... Cette peinture est exceptionnelle, traiter de la lumière ainsi, dans de si petits formats me parait incroyable ! J'avoue que je serais tentée par l'écriture de Pascal Quignard, avec lui on entre dans un rêve. Merci Dominique, tu illumines ce dimanche. Bises. brigitte
un de mes peintres préférés et ces deux livres sont un enchantement de ceux que l'on ouvre et ouvre à nouveau pour le plaisir des yeux
Rien à la bibli, mais taper Georges de la tour dans son moteur de recherche m'a amenée à un Jardin d'écrivains qui pourrait être intéressant. Comme quoi... ^_^
Un jardin d'écrivain ? dis nous le secret :-)
Le Quignard sans hésitation ! j'ai la chance de vivre dans une ville dont le musée possède un De la Tour, "le nouveau né" que tu mets en illustration. Des fois, j'achète un billet, juste pour aller me planter devant cinq minutes.
l'édition Flohic est ancienne mais superbement illustrée, l'édition Galilée est disponible mais je ne sais pas si elle est illustrée
Je me souviens d'une expo à Paris sur Georges de la Tour et ses imitateurs, ce n'est pas si vieux que cela. Décidément, tu ne quittes pas Quignard !
C'est à la fois le hasard mais pas tout à fait car j'aime bien lire ainsi par ricochets
Le décryptage de ces scènes quotidiennes "incendiées" d'orange m'intéresse beaucoup.
Sans doute devrais-je lire les deux alors.
Merci Dominique, bonne journée.
le Quignard est dispo aux éditions Galilée, l'autre est un gros livre mais que l'on trouve d'occasion sans problème
Lumière du peintre, éclairage des mots, comment choisir ?
cruel dilemme
Il faut prendre les deux !
Lors de la merveilleuse exposition Caravage à Montpellier il y a deux ou trois ans, il y avait des tableaux de Georges de la Tour. Ce peintre me fascine.
Bonne journée.
la solution parfaite
Il y a harmonie entre Quignard et de la Tour, éloge de de la simplicité, économie de moyen et .....flambloiement (j'ai le Flohic).rien ne me semble plus juste que l'expression de Quignard "baroque janséniste"
Bonne soirée
Rubigane