D’ombre et de lumière
Deux livres pour entrer dans l’intimité d’un auteur qui comme tout un chacun eu sa part de lumière mais aussi une part d’ombre ignorée longtemps sur laquelle pèse le silence de ses proches, de ses amis et de ses principaux biographes.
Commençons par le connu, le simple, le lumineux destin d’un homme à travers sa maison, son lieu de vie. Dans une collection tournée vers les maisons d’écrivains sa fille Sylvie Giono évoque de jolie façon la maison familiale : le Paraïs « ni forteresse, ni tour d’ivoire ».
Elle s’efface avec beaucoup de simplicité devant son père car « C’est lui, l’enchanteur, qui est l’âme de cet endroit »
Elle nous ouvre grand les portes de cette maison où Giono écrivit tous ses romans, où son ombre rôde encore aujourd’hui.
Elle a de belles expressions pour nous dire à quel point ce lieu a compté pour l’écrivain « C’est sa fenêtre sur l’imaginaire par laquelle il s’échappe du réel.».
Son père est bien vivant à travers des objets commes ce tableau de peinture chinoise
« qui représente des chevaux mongols, aux allures fines et déliées en même temps »
ou ses pipes Dunhill ou un fin porte plume en bambou.
La vie de la maison tournait autour de Giono, le rythme des activités, l’organisation des pièces, les aménagements tout était fait en vue de lui plaire et de lui donner le confort nécessaire à la création.
« C’est une maison vivante, une maison qui a une âme. Elle réunit le réel et le merveilleux. »
C’est une image lumineuse qui est tracée par Sylvie Giono. Un peu trop lumineuse ?
Un livre vient s’inscrire en ombre portée de cette vie idyllique toute tournée vers l’écriture et la famille.
Après la guerre l’écriture de Giono changea, le style, le type de récits, les personnages ...bref tout le monde s’accorda à parler de tournant dans l’oeuvre de l’écrivain, ce furent le cycle d’Angelo puis les Chroniques romanesques.
Il y a quelques années Hubert Nyssen leva le premier le voile sur ce changement qui fut en lien étroit avec la rencontre d’une femme, elle s’appelait Blanche Meyer. Une passion était née qui changea la vie de l’écrivain et métamorphosa son inspiration
Annick Stevenson dans un petit livre vient éclairer l’événement et nous expliquer pourquoi la femme, son autobiographie et ses lettres sont restées dans l’ombre.
Ils seront amants pendant dix ans au moins mais amis pendant toute la vie de l’écrivain. Pourquoi son nom n’apparait-il jamais dans les livres consacrés à Giono ? La biographie de Pierre Citron pourtant très bien documentée fait silence sur le sujet à la demande express de la famille.
Mais nous sommes plus de 40 ans après la disparition de l’écrivain alors quelle validité à l’interdiction faite à la fille de Blanche Meyer de mettre à disposition du public la correspondance de sa mère avec Giono ?
Nous sommes loin du temps où l’on cachait l’homosexualité du petit Marcel, ne serait-il pas temps de livrer le portrait complet de cette femme qui su inspirer les personnages d’Adeline, de Pauline de Theus et de l’Absente.
Pour cela 1300 lettres dorment sagement à l’université de Yale soumise au bon vouloir d’une famille qui s’honorerait d’ajouter au portrait de Jean Giono sa moitié encore dans l’ombre.
Les livres
Blanche Meyer et Jean Giono - Annick Stevenson - Editions Actes Sud
Jean Giono à Manosque - Sylvie Giono - Editions Belin
Commentaires
Oui, Blanche Meyer, c'est connu... Mais je ne partage pas ton avis, ces lettres ne me manquent pas, je ne suis pas de celles qui veulent absolument tout savoir sur un écrivain, je préfère qu'il garde une part de mystère.
@ Pascale : nous allons batailler, elles ne manquent pas à la biographie de Giono mais il est inconcevable que pour respecter une bienséance cette femme n'ai jamais eu le droit d'écrire
Finalement, je ne connais absolument rien de la vie de Giono... (proust, si, un peu plus ^_^)
@ Keisha : la famille de Giono a fait l'impasse sur une bonne partie de sa vie comme la famille de Proust avait tenté de le faire
débat sans fin, le rapport vie/oeuvre des artistes!!
il me semble qu'aprés un certain temps de respect nécessaire des personnes concernées elles-mêmes, de la première génération de descendants, on peut dire les choses..;tout dépend aussi de la façon dont on les dit!! Bravo pour ces lapalissades Martine!!
ça me donne tout de même envie d'en connaitre un peu plus sur cet homme et sur l'écrivain aussi....
@ Martine : on pouvait comprendre la réticence familiale du vivant de la femme de Giono mais plus aujourd'hui, il y a là un petit parfum de respect des valeurs familiales un rien anachroniques
1300 lettres ! J'imagine qu'elles peuvent contenir des éléments encore trop douloureux pour certaines personnes. J'ignore s'il existe des règles en la matière, je suppose que la correspondance relevant du domaine privé, seuls les héritiers de Giono peuvent décider de ce qu'ils en feront ? Ton billet me rappelle en tout cas ce livre d'Hubert Nyssen pas encore lu, je le note à nouveau.
@ Tania : Hubert Nyssen fut le premier à révéler cette part de la vie de Giono, elle n'aurait aucun intérêt si elle n'avait pas non seulement influencé mais totalement changé l'écriture de Giono et ça il n'est pas logique de le caché aux lecteurs que nous sommes
J'ai commandé le livre d'Annick Stevenson et comme toi je trouve que les lettres entre Giono et Blanche Meyer devraient être publiées. Mais soyons déjà heureux qu'elles n'aient pas été détruites
@ nadejda : j'espère que ce livre te toucheras comme il m'a touché
C'était son problème ou leur droit, ça ne me regarde pas. À chacun son modus vivendi... Mais qu'elle importance de batailler, je n'en suis pas, te donne simplement mon avis.
@ Pascale : je ne suis pas d'accord avec toi, c'est comme si l'on disait que l'on fait l'impasse sur Juliette Drouet parce que cela ne plaisait pas à la famille de Hugo !
Cette femme a par sa relation modifié le devenir de cet écrivain c'est en cela qu'il est anormal de la passer sous silence
Moi non plus je n'y connais rien à la vie de Giono. Et très peu ses romans, finalement... je dois en avoir lu un ou deux quand j'étais très jeune, et je n'en ai guère de souvenir...
@ Anne : à redécouvrir donc
J'ai été passionnée il y a quelque temps par une émission de radio sur cette femme de l'ombre. Je suis assez choquée qu'on l'ait escamotée de cette manière ; je rejoins assez ton avis, les années ont passé et le secret a du plomb dans l'aile alors ... ça fait très vieille France crispée cette attitude.
@ Aifelle : dommage j'ai raté cette émission là
La réticence familiale du temps de la vie de la femme officielle...admettons mais il me semble que dés qu'on annonce qu'on va parler d'amours secrètes, on va faire dans la presse people, le scandale,l'érotique, voire le porno, le paparazzi; on peut aussi imaginer de parler de liaisons avec pudeur...à partir où on entreprend de faire oeuvre autobiographique, il me parait logique de parler de la vie amoureuse...de plus, aujourd'hui même si la morale tend à réinstaller son couvercle, on peut parler assez librement des moeurs du personnage dont on fait la bio. Même les enfants peuvent parler de la beauté d'un lieu de vie de leurs parents ET de leur vie amoureuse....Oui je suis d'accord ça fait très vieille France....ça sent un peu le vieux...mais je suis d'accord la nostalgie n'est pas toujours désagréable non plus...bref quand je vais à la Causerie, café où on peut déposer et donc prendre les livres qu'on veut, je regarde s'il y a du Giono et je le prends
@ Martine : je crois qu'Hubert Nyssen était loin de tout voyeurisme mais la relation amoureuse de Giono a profondément modifié son inspiration, ses sujets d'écriture c'est en cela qu'il importe de ne plus faire silence et aussi parce que cette femme a été empêchée de simplement raconter sa vie
c'est exactement ce que j'ai essayé de dire...sans doute n'était ce pas assez clair, trop nuancé...
Giono est à l'honneur en ce printemps tout doux ! Je viens de publier un billet sur un de ces romans, Ennemonde, une merveille, des phrases magnifiques !
"En revenant de la Forge, j'ai trouvé sur ma table deux livres sortis de presse en mon absence. Le premier, Blanche Meyer et Jean Giono, qui est publié dans la collection “un endroit où aller”, a été écrit à ma demande par Annick Stevenson. Ce qu'il dévoile, c'est, comme me l'écrit Jolaine, fille de Blanche, “l'existence d'une magnifique correspondance de 3500 pages écrites par un homme à une femme.” Oui, mais ce qu'il révèle aussi et dénonce, c'est l'insoutenable dissimulation de cette correspondance (mutilée puisque les lettres de Blanche furent brûlées à la mort de Jean) par laquelle, si la succession consentait à les publier, on pourrait suivre dans ses intimes détours l'évolution stendhalienne de Giono. "
Hubert Nyssent Carnets 1 er mai 2007
http://www.jean-claude-trutt.com/bloc_notes.php?annee=2014&id=109
Merci...mais comment peut-on publier de façon aussi illisibles alors qu'il est si simple sur internet de faire des alinéas...j'ai commencé à lire mais n'ai pu aller bien loin...ça a l'air intéressant au moins pour la genèse des oeuvres de Gionio....
Quand on entre dans les histoires de famille... ce qui peut sembler évident de l'extérieur paraît parfois beaucoup plus compliqué de l'intérieur... Mais je ne connais pas assez cette affaire pour me prononcer.
Enfin, relire Giono est toujours un tel plaisir ! Quelle écriture lumineuse !