Forêts et landes d'Angleterre Thomas Hardy épisode 2
Pendant longtemps Thomas Hardy pour moi c’était Tess d’Uberville et Jude l’obscur, les rééditions de son oeuvre offrent l’occasion d’élargir la lecture.
Encore et toujours Hardy nous emporte au plus près de la nature, ici dans le village de Little Hintock dans une région de forêts et de landes.
Grace Melbury vient de finir son éducation et revient au village, son père, un simple marchand de bois s’est enrichi et a voulu le meilleur pour elle, il souhaite lui voir épouser Giles Winterbone forestier comme lui et envers qui il se sent redevable. Mais la rencontre des deux jeunes gens ne se passe pas comme prévu
« Comme elle lui souhaitait le bonjour, Grace eut des paroles et des regards un peu contraints, et cela s’expliquait sans doute. Car Giles Winterborne, tout soigné et distingué qu’il était pour un villageois, ne laissait pas de paraître un peu paysan à côté d’elle. »
Ce pourrait être une maison de Little Hintock
Cottage de Thomas Hardy
Malgré les engagements pris, M Melbury doit se rendre à l’évidence, il ne peut que constater la métamorphose de sa fille, elle mérite mieux qu’un bûcheron. Giles Winterbone est de plus accablé par le sort car il perd sa ferme et se retrouve donc sans toit. Il ne voit pas proche de lui Marty Stout jeune ouvrière qui « ne pouvait prétendre à la beauté, sauf toutefois par ses cheveux » amoureuse de lui en silence.
Grace aspire à une autre vie, une vie qui ressemble à celle de Mme Charmond la châtelaine du pays, celle-ci est frivole, honteusement coquette mais Grace est séduite.
C’est l’arrivée dans le village d’un nouveau médecin qui va précipiter les événement. Le Dr Edred Fitzpiers a tout pour séduire les jeunes filles, il est beau, galant, ambitieux, il a le profil du séducteur sans scrupules, du coureur de jupons, mais M Melbury flatté qu’un médecin entre dans sa famille, Grace éblouie par un avenir forcément radieux, voient en lui le gendre et le mari idéal.
New Forest (England)
Non vous n’êtes pas dans la collection Harlequin, car ce thème mille fois rebattu, presque mièvre, Thomas Hardy en fait un roman magnifique, déchirant, dont le romantisme apparent est vite balayé par un réalisme noir.
La volonté d’élévation sociale, les conventions qui enferment les individus dans des mariages ratés, le mépris attaché à l’origine sociale de l’individu, la fatalité qui s’acharne sur les plus humbles, là est le coeur du roman.
L’analyse psychologique est fine, nuancée et sombre. Il y a dans le roman des moments tout à fait poignants, le sacrifice de sa chevelure par Marty Stout, les regrets ressentis par Grace pour son aveuglement, les efforts désespérés de Giles pour préserver Grace du déshonneur.
Ce qui rend le livre très attachant c’est aussi la vision de la nature de Thomas Hardy il sait l’accorder à la tonalité du récit :
« Les hiboux avaient attrapé des souris dans les granges, les lapins qui avaient rongé les choux du jardin, les belettes qui avaient sucé le sang des lapins, découvrant que leurs voisins les hommes commençaient à s’agiter, se retirèrent discrètement de la scène, invisibles et cois en attendant la nuit. »
La nature est métaphore du destin des hommes:
« Sur des arbres plus vieux encore poussaient des champignons comme d’énorme verrues. Ici, comme partout ailleurs, s’avérait d’une façon aussi évidente que dans les taudis populeux de nos villes cette impuissance universelle qui caractérise le monde : les feuilles étaient déformées, les courbles malvenues, le galbe imparfait : le lichen rongeait la vigueur de la branche, le lierre étranglais lentement le jeune arbre plein de sève. »
Laissez vous séduire par Thomas Hardy et ne vous contentez pas de mon avis, voilà ce qu’en dit André Gide :
« Hardy n’a rien écrit de plus intelligent, de plus ému, de plus parfait. C’est une perle sans défaut, d’un orient incomparable. »
Le livre - Les Forestiers - Thomas Hardy - Traduit de l’anglais par Antoinette Six - Editions Phébus Libretto
Commentaires
J'ai envie de relire Thomas Hardy maintenant. Tu as vu que Loin de la Foule Déchaînée a été réédité avant l'été (cela doit être le succès du film Tamara Drewe, je crois). En tout cas, le cottage me plairait bien pour y habiter.
@ CecileSblog : c'est grâce à toi et à un billet chez toi que je suis partie dans une relecture de T Hardy et de découvertes de romans jamais lus
je ferai un billet dans les prochains jours sur "loin de la foule déchainée" dont la traduction récente est parfaite
Voilà un auteur que tu me donnes envie de mieux connaître car, à part Tess d'Urberville et "Jude l'obscur", je ne connais rien d'autre de lui .
Mango @ comme tous les écrivains très prolixe on ne connait jamais qu'un ou deux romans et l'élargissement des lectures vaut vraiment la peine
Pour en revenir au billet précédent, oui, Loin de la foule déchainée finit bien, OK
Pour toi là j'ai ressorti mon exemplaire de les forestiers (acheté en 1981, lu en 2000)(^_^) et tu vas me donner une furieuse envie de relire Hardy sous l'angle de la description de la nature.
Je possède aussi Loin de la foule déchaine et La bien aimée. Collectors, quasiment!
@ Keisha : je sens que tu es attaché à tes livres et je te comprend, mon vieux poche de Jude l'obscur a disparu dans la tourmente et j'en ai profité pour l'acheté en livre broché car je sais que je vais le relire
Un très bon billet comme je les aime. Merci pour m'avoir donné envie !
@ Theoma : c'est un échange de bon procédé
Loin de la foule déchaînée je me le suis offert pour mon anniversaire ;-)
@ Malice : j'espère que tu apprécieras autant que moi
Bravo Dominique, nous n'avons qu'une envie : celle de découvrir ce livre ! En plus, la couverture en est splendide, et le petit cottage de T.Hardy, je l'appellerais volontiers "ç'am suffit". Bises, que ta journée soit belle. brigitte
@ Plumes d'Anges : sur le blog des maisons d'écrivains où j'ai pris la photo, le reportage sur sa maison donne envie d'y vivre de façon furieuse
Je pensais que ce livre n'était pas traduit en francais, mais je suis tres heureuse de savoir que je me trompais! Je l'ai lu en anglais, et l'ai beaucoup, beaucoup aimé - les characteres, l'atmosphere, la construction en boucle, l'évocation d'un monde et d'un mode de vie que Hardy devait bien connaitre. Ca m'aurait désolé que les francais ne puissent pas y avoir acces - c'est vraiment un perle!
@ Bénédicte : Et la traduction est impeccable et sert parfaitement l'écriture d'Hardy
J'ai beaucoup lu Thomas Hardy il y a de ça...hum.. 25 ans ? (misère...), mais pas ce titre-là. Est-ce que je l'apprécierais toujours, je ne sais pas... j'ai relu "Tess" il n'y a pas longtemps et j'étais toujours sous le charme.
@ Ys : celui là était une première lecture et je me suis laissée séduire sans conteste, je crois qu'Hardy fait parie des fameux classiques qui ne perdent rien à la relecture
Ahhhh ! ça me donne vraiment envie de le lire .... passer par ton blog va finir par user ma carte bleue... mais ... tu n'avais pas écrit un article justement sur un livre qui parle de soigner l'addiction à la carte bleue ?!
@ Lillalu : tu as bonne mémoire à noël dernier j'ai parlé du problème de surchauffe des cartes bleues et comment lutter , une lutte de tous les instants :-)
Je n'avais pas aimé la fin de Tess d'Uberville mais j'ai envie de découvrir l'oeuvre de cet écrivain, notamment Jude l'Obscur...
@ maggie : Jude l'Obscur c'est terriblement noir mais magnifique
Tu continues dans la lancée de tes billets précédents,tu nous manipules!!!
Pour nous donner envie de nous plonger de nouveau chez Hardy
Je suis comme beaucoup me revenait à l'esprit surtout Jude l'Obscur et Tess
Je me souviens de belles descriptions rurales
Libretto me fait penser à un auteur que j'aime beaucoup qui n'a rien à voir avec Hardy ,Wallace Stegner
Quand l'esprit s'évade.....
@ autour du puits : ah ah quand j'ai décidé de changer un peu l'orientation de ce blog j'ai listé une série de thème dont certains autour d'un auteur et Stegner en fait partie : Vue cavalière, la vie obstinée et surtout surtout : En lieu sûr
on en reparle un de ces jours
Voilà, c'est malin, maintenant j'ai envie de le lire très vite. Comme Plumes d'Anges, je trouve la couverture très belle en plus, c'est souvent le cas chez Libretto. Et il y a longtemps que je n'ai pas lu un vrai bon classique anglais.
@ Aifelle : la couverture est tout à fait à l'unisson du roman
Bonjour Dominique, comme Aifelle je dis "c'est malin!"... et de me précipiter sur le net pour commander ce bijou.
Sous le soleil, la campagne et la forêt anglaises sont si belles (tes jolies photos).
Merci madame Do, bon weekend. Il pleut ici.
@ Colo : je vous le dis ma bonne dame le temps est fou : ici c'est l'été il fait 27 ou 28 le ciel est magnifique et il pleut à Majorque !
Un livre où les saisons sont presque des personnages
Je ne connaissais pas du tout ce roman. tu donnes bien envie de le lire; Mais quand????
@ miriam : mets le dans ta prochaine valise de voyage !
Auteur inconnu pour moi ! Mais ce billet me donne vraiment envie d'aller le rencontrer ;-)
@ Margotte : si tu ne l'as jamais lu je te souhaite beaucoup de plaisir à venir
Un auteur que je n'ose pas lire. Surtout que je ne pense pas être trop fan de ce réalisme en littérature.
@ Manu : la lecture c'est comme la gastronomie : les goûts ne se discutent pas !
Celui-là je ne l'ai pas lu, c'est le seul de ses six grands romans que je n'ai pas lu. Je l'ai, il m'attend. Je suis en train de finir "A Passage to India" de Forster et je ne savais pas lequel prendre ensuite. Voilà, maintenant, je sais, je le commence demain, tu en parles si bien! Merci, merci!
Bisous
@ Lin Pain d'épices et chocolat : pour toi qui lis en VO je suis certaine que tu vas prendre plaisir à lire ce dernier roman
J'ai commencé à lire celui-ci mais l'avais laissé en cours de route (ce qui m'arrive parfois)... à reprendre bien évidemment !
@ Lou : ça m'arrive aussi et parfois j'ai l'impression de découvrir un nouveau roman, de fait je ne les ai pas lus en série mais largement étalé dans le temps
Serais-ce que tu me donnes envie de retrouver cette atmosphère très, très British ?? Et quelque part qui ressemble à notre campagne normande !
Bonne journée!
@ Enitram : certain qu'il y a parenté entre les paysages ! une atmosphère qui m'a beaucoup plu en dehors de l'intrigue elle même
Je ne le connaissais pas.
Merci Dominique, je note.
@ Alba : un excellent roman