La Grande rafle du Vel d’Hiv - Claude Levy - Paul Tillard - Editions Tallandier Texto
Dans quelques jours à Paris se commémorera « la plus grande rafle que la ville ait connue depuis l'arrestation des Templiers et la Saint-Barthélemy »
En 1942 dans l’Europe entière des opérations identiques sont lancées, Ecume de mer en Europe de l’est, à Paris c’est sous le nom de Vent printanier que l’opération est connue.
Partout en Europe les juifs sont répertoriés, arrêtés et déportés vers les camps de la mort. La solution finale a été décidé par les allemands à la Conférence de Wannsee qui s’est tenue en janvier 42.
Pourtant par comparaison à ce qui se passe en Europe la rafle de Paris qui débute le 16 juillet 1942 présente la terrible particularité d’être organisée, menée, dirigée, par la police française et le gouvernement français de Vichy.
Gouvernement et police qui seront responsables de l’arrestation et de la déportation de 12884 juifs dont 4051 enfants car Pierre Laval en a ainsi décidé, jouant un rôle déterminant dans la disparition de ces enfants dont pas un ne reviendra.
Le livre de Claude Levy s’appuie sur les documents de l’époque mais aussi sur ceux mis à sa disposition plus tardivement lorsque les archives se sont ouvertes. Ce qui rend se livre inoubliable ce sont les paroles des témoins de cette rafle, juifs ou non.
27 388 fiches de personnes juives et de nationalité étrangère, sont répertoriées sous la responsabilité du Directeur des camps de concentration français de Drancy, Beaune-la-Rolande, Pithiviers.
Dans les jours précédents on a demandé aux membres de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France) de préparer des étiquettes et d’y accrocher un morceau de ficelle, pour étiqueter quoi ?
9000 policiers vont intervenir, tous français et organisés en 880 équipes, il est prévu d’agir vite afin de ne déclencher aucune réaction dans la population. Les personnes arrêtées seront regroupées dans les écoles, les gymnases puis convoyées vers le Vel d’Hiv pour les familles, vers Drancy pour les célibataires ou couples sans enfants.L’organisation est méticuleuse, les camps sont en partis vidés dans les jours qui précèdent, les détenus envoyés en Allemagne pour « faire de la place » aux femmes.
Le jeudi noir
Dans les jours précédents quelques juifs sont prévenus de la rafle, souvent de façon cryptée, imprécise, mais certains d’entre eux auront la vie sauve grâce à ces messages. D’autres ne voudront pas le croire ou tout simplement ne sauront ni où se cacher ni vers quoi fuir.
La rafle débute à 4 heures du matin pour être sûr de trouver les juifs chez eux. Les familles au complet dans la plupart des cas.
Le récit de Claude Levy est précis, s’appuyant sur des témoignages il dresse le tableau de ces familles, femmes en couche, enfants, réveillés aux cris de « police ouvrez »
Les témoins expliquent les tentatives de fuite, les suicides, quelques actes de courage de la population, quelques gestes de compassion des policiers en bien trop petit nombre. Des témoins en seront à jamais marqués tel Roger Boussinot qui écrira « Les guichets du Louvre » dont Michel Mitrani fera un film en 1973.
50 autobus, des cars de police vont convoyer les familles, c’est la seule photo qui reste de la rafle, la file des bus stationnés devant le Vel d’Hiv.
Les familles vont vivre sept jours d’enfer dans ce vélodrome où rien n’a été prévu pour les accueillir, les nourrir, les soigner.
Les quelques médecins, infirmières qui parviendront à entrer feront des récits terrifiants du bruit, de la chaleur, de l’odeur de la détresse de cette foule entassée sans moyens d’hygiène, mourant de soif, terrorisée et tentant parfois par tous les moyens de s’échapper de ce piège. 7000 personnes prisonnières dans des conditions inhumaines
Toute cette foule sera bientôt dirigée vers les camps français puis vers Auschwitz.
Dans un chapitre particulier l’auteur fait le point sur les 4051 enfants arrêtés, autour de Pierre Laval plusieurs font la proposition de regrouper ces enfants dans des Maisons d’enfants mais la décision de Laval est sans appel malgré des pressions des Etats-Unis « Les enfants aussi » doivent être déportés.
Les convois d’enfants partiront vers Auschwitz que les enfants pour conjurer la peur de l’inconnu ont baptisé « Pitchipoï »
Claude Levy fait aussi une large place à la volonté des témoins, des survivants de « faire savoir » , du long chemin vers la reconnaissance par l’Etat Français de son rôle, sur la position des différentes Eglises et de leurs représentants.
Des 12884 personnes raflées en juillet 42 une cinquantaine revinrent et aucun des 4051 enfants.
Lisez ce livre, faites lui une place dans votre bibliothèque
En complément
Un site de la mémoire juive
Des films : Les guichets du Louvre et La Rafle film récent de Roselyne Bosch.
Commentaires
Je me souviens encore du film "les guichets du Louvre" qui m'avait beaucoup marquée à l'époque. Sans trop montrer, il rendait bien la panique de ce jour-là. Quand je vois la classe politique actuelle, je frémis en pensant à des temps plus troublés.
@ Aifelle : J'avais vu ce film également à sa sortie et je me souviens du choc éprouvé. Quant à la classe politique actuelle c'est ....sidérant
Quelle honte, vraiment!
Encore un billet très intéressant malgré un sujet délicat. J'aimerais lire plus de livres d'histoire mais entre le boulot et mon master, j'ai plus envie de romans le soir en rentrant. Mais je note pour ce titre pour plus tard...
Quel épouvantable et horrible fait que cette raffle, ces chiffres sont absolument glaçants... Tous ces enfants... Impossible de trouver les mots... Rien, jamais, n'effacera cela...
@ L'or des chambres : c'est en cela que ce genre de livre reste non seulement utile mais indispensable Si tu ne l'as jamais vu le film "les guichets du Louvre" est excellent
Je n'ai pas vu le film, mais je me souviens très bien du roman de Roger Boussinot que j'ai justement sorti ces jours-ci de mes rayons pour le prêter à ma mère. Je crois qu,en même temps je vais lui offrir celui-ci (quand je l'aurai lu)...
@ Lali : Pour qui s'intéresse à cette période de l'histoire c'est un livre tout à fait indispensable, il se lit très facilement car l'écriture est très simple, les faits seuls comptent , pas de fioritures, pas de pathos : les faits rien que les faits et ils se suffisent à eux même hélas
@ Zarline : je te comprends, pendant quelques années happée par le travail je me tournais plus vers les romans pour décompresser, le boulot est toujours là mais avec moins de pression, cela laisse la place à des lectures plus personnelles et c'est bien agréable
Bonsoir Dominique, c'est ce genre de document qu'il faut en effet avoir dans sa bibliothèque et il faut en parler dans les écoles. La jeune génération ne doit pas oublier. Les témoins se font de plus en plus rares. Comme dirait quelqu'un que je ne nommerai pas, cela pourrait devenir "un détail de l'Histoire" qui malheureusement peut se reproduire. Bonne soirée.
@ Dasola : c'est bien en cela que ce livre est intéressant car il s'adresse non aux historiens mais à nous les gens communs qui n'ont pas vécu la guerre et qui veulent malgré tout comprendre et ne pas laisser s'éteindre le souvenir
C'est vraiment inimaginable qu'une telle rafle ait pu se produire au XX°s en France, le pays de la liberté et des droits de l'homme !
Il faut rester vigilant, l'intolérance et le racisme sont partout...
@ Patricia : ce qui rend particulièrement odieux cette action c'est la participation de la police française, si parmi elle certains policiers n'ont pas suivi les ordres, ils ont été peu nombreux
Oui.. "faire savoir", la mémoire... tout cela est important...
Ma fille a vu le film "La Rafle" avec sa classe - un film très bien fait apparemment. C'est le prof d'histoire qui les avait amenés et cela l'avait beaucoup touchée.
@ Macile : j'ai raté ce film à sa sortie mais je vais me commander le DVD
Voilà un livre que je vais me procurer au plus vite ! Je me vois encore bouillante de rage après le discours de notre cher dirigeant sur la repentance, inutile selon lui puisque la France n'a pas inventé la solution finale... Cette image d'un policier français emmenant des enfants juifs à l'abattoir s'est ancrée à moi au moment où il prononçait ce discours....Il faudrait lui envoyer ce livre, tiens ....
@ Freude : je me souviens de mon sentiment de colère et de honte à la sortie du film "les guichets du Louvre" et bien colère et honte sont intactes à la lecture de ce livre
une oeuvre à lire et à faire lire
Je viens de vérifier, il est à la bibli, un livre de 1967 (?) et au magasin : allez, encore une fois je risque d'y envoyer mes charmante bibliothécaires!
@ Keisha : c'est bien le même bouquin, il a été complété dans cette dernière édition car des documents ont été consultables après l'édition de 67
C'est vraiment un document à lire et en plus la lecture est aisée
J'ai beaucoup de mal à lire ces livres-là car ils me bouleversent trop. Un que je conseille souvent aussi dans la catégorie "jeunesse" et abordant cette rafle aussi est "qui se souvient de Paula" de R. Slocombe.
@ Melmelie : merci de cette référence car j'ai autour de moi des enfants qui seront bientôt en âge de lire ce type de livre Je conviens que c'est difficile à lire mais je le ressens comme une sorte d'obligation morale, je sais que ça fait un peu grandiloquent mais c'est ce que je sens
J'ai vu il y a quelques jours le film 'La Rafle". De tels évènements n'auraient jamais dus avoir lieu. Merci pour ce commentaire qui me donne un avis de plus
@ Christine : depuis ce billet j'ai moi aussi vu le film qui rend assez bien la réalité des évènements et qui rappelle à tous ces faits histoiriques