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La cristallisation secrète - Yoko Ogawa

cristallisation secrete.gifCristallisation secrète - Yoko Ogawa - Traduit du japonais par Rose-Marie Makino - Editions Actes Sud
Après m’être régalée avec " La formule préférée du professeur" que m’avait fait découvrir Tania je me suis plongée dans ce nouveau roman avec délices. Dans ce récit l’auteur touche au fantastique et à l’absurde avec un grand talent.

Dans une île jamais nommée, les habitants ont pris l’habitude de voir disparaître les objets, petits ou gros, utiles ou décoratifs, objets de la vie de tous les jours.
Un jour les rubans ne sont plus là, puis les bonbons, un matin les oiseaux sont absents et ne chantent plus, les fleurs perdent leurs pétales.
Tout le monde ignore le pourquoi de ces disparitions et  quand se produira la prochaine.
Curieusement toute la population semble renoncer sans efforts à ces objets, les gens ne gardent aucun souvenir des choses disparues, ils n’en souffrent pas, simplement elles ne sont plus là et ils acceptent cette situation.
On ne sait pas non plus qui décide et pourquoi. Un monde étrange est né sans mémoire, sans souvenir, sans émotion.

La narratrice a une mère artiste, enfant elle ne comprenait pas que sa mère conserve pieusement au fond d’un tiroir un ticket du ferry disparu qui permettait de quitter l’île, un flacon de parfum, un bonbon à la limonade.
L’enfant est devenue adulte et romancière. Elle soumet régulièrement ses manuscrits à son éditeur et écrit un roman mettant en scène une dactylo qui tape sur une machine dont les touches disparaissent progressivement, puis c’est la voix de la dactylo qui lui fait défaut, l’éditeur est très satisfait de son travail.
La jeune femme n’est pas choquée de ce qui se passe autour d’elle, pourtant on murmure que parmi les habitants de l’île certains ont la malchance de conserver la mémoire ou ne se résignent pas à l’oubli. Ils sont alors poursuivis par les traqueurs, une milice toute puissante capable de détecter la persistance des souvenirs. Les arrestations se multiplient, les personnes montent dans des camions pour une destination inconnue, d’un jour à l’autre ils ne sont plus là, comme les objets ils sont portés disparus.

 

cristallisation.jpg

L'oubli (le site de l'image)

Les disparitions s’accélèrent, la nourriture devient rare, on ne peut plus mesurer le temps car les calendriers disparaissent à leur tour,  les livres et les bibliothèques sont anéantis, les mots vont-ils eux aussi disparaître ? 
Son éditeur est en danger car réfractaire à l’oubli programmé il garde en lui des souvenirs. Malgré les risques et avec l’aide d’un vieil homme, elle va le cacher dans un réduit de la maison "une caverne en plein ciel" protectrice certes mais qui isole cet homme du reste du monde. Elle a franchi le pas, elle est entrée en résistance.
Ces trois personnages vont s’apporter assistance, amitié et affection malgré les risques, malgré la peur, ils ont décidés de ne plus obéir.

Un roman d’une grande originalité, d’une grande justesse de ton. Yoko Ogawa avec des mots simples réussit à nous faire ressentir l’oppression, l’étouffement d’une société sous surveillance où règne l’arbitraire ; elle nous emporte dans un monde fantastique où l’oubli est la règle. Un roman profondément métaphorique et inquiétant tout en faisant la part belle à la poésie.  Un vrai plaisir de lecture
Je n’ai pu m’empêcher de penser à Anne Franck enfermée dans l'arrière maison mais aussi au film " Soleil vert " et à la scène superbe où un vieil homme interprété par Edward G Robinson revoit sur un écran un monde disparu, on lui projette une prairie heureuse pleine de fleurs où s’ébattent des chevaux, une rivière court sur l’écran, le bruit de la cascade est la dernière image pour l’homme qui va mourir.
Yoko Ogawa fait dire à un de ses personnages :  " Mes souvenirs ne sont jamais détruits définitivement comme s’ils avaient été déracinés. Même s’ils ont l’air d’avoir disparu, il en reste des réminiscence quelque part. Comme des petites graines. Si la pluie vient à tomber dessus, elles germent à nouveau. Et en plus, même si les souvenirs ne sont plu là, il arrive que le cœur en garde quelque chose. Un tremblement, une larme " (page 102)


D’autres billets : Chez Voyelle et Consonne ou  le terrier de chiffonnette et just read it

 

L'auteur
yokoogawa.jpgYoko Ogawa auteure japonaise  a reçu de nombreux prix japonais et français. Elle est incontestablement l’un des plus grands écrivains de sa génération. Ses livres, traduits dans le monde entier, ont fait l’objet de plusieurs adaptations cinématographiques et théâtrales. Ses romans ont été traduits en français chez Actes Sud qui publie un recueil de ses romans.

 

 

Commentaires

  • Un incroyable roman. Elle arrive à se renouveler à chaque livre et c'est toujours une réussite. Mon avis ici, si tu veux: http://tinyurl.com/cristallisation

  • @ Voyelle et Consonne : je n'avais pas vu ton billet je vais l'ajouter sur ma page

  • Une auteure que je veux à tout prix découvrir. J'ai bien envie de commencer par "la formule préférée du professeur".

  • @ Aifelle, je l'ai découvert grâce à Tania , j'ai beaucoup aimé, je n'ai pas fait de billet ils étaient nombreux sur les blogs, c'est un roman superbe de subtilité et d'émotion et en plus en poche !

  • J'ai déjà lu plusieurs romans de Yoko Ogawa... Les plus "spéciaux" m'ont un peu dérangée, mais celui-ci m'a l'air plutôt dans un genre que j'aimerais !

  • @ Kathel , je n'en ai lu que 2 , qu'entends tu par "spéciaux " ?

  • Je me suis ennuyée en lisant "La marche de Mina" et souvent, je n'accroche pas avec les Japonais. Mais là, la touche de fantastique est assez tentante... est-ce qu'elle a un sens à la fin ?

  • @ Ys : J'ai lu ce livre plutôt comme une mise en garde voilée, cela n'a pas la force de 1984 ou Farenheit de Bradbury mais j'ai aimé l'alliance de "science fiction" et de poésie

  • @ Dominique : ceux qui ont une atmosphère un peu glauque comme Hôtel Iris et Tristes revanches... contrairement à La marche de Mina et La formule préférée du professeur, qui se lisent sans malaise.

  • J'aime beaucoup la citation de la page 102. Un être humain est probablement un terrain miné de "réminiscences" douloureuses, joyeuses, de détresse, qui le gouvernent malgré lui. C'est une rencontre bien intime de lui même quand il lui arrive d'en prendre conscience
    Je n'ai pas le temps de lire tous les livres qui me font envie, l'ordinateur est un concurrent du livre mais l'intimité que l'on a avec un livre ne sera jamais égalé par un écran.
    J'aime lire vos commentaires Dominique !
    :-)

  • @ Fifi, j'aime beaucoup l'écriture de cette auteure, très fine, merci pour ce commentaire qui me fait rougir (ça se voit non ?)

  • J'aime beaucoup Yoko Ogawa mais je n'ai pas lu celui-là: j'apprécie son style, mais aussi l'irruption ou plutôt la cohabitation du fantastique avec le réel; c'est très japonais, ça! (le monde du silence; amours en marge; parfum de glace..)
    Moi aussi je me demande ce que Kathel veut dire par "spéciaux"?

  • @ Claudialucia : les commentaires et leur publication se croisent , Kathel parlait d'atmosphère glauque, ce qui n'est pas le cas du tout dans celui ci, ni dans la "formule préférée du professeur"
    Une dame qui semble donc avoir pas mal de cordes à son arc

  • J'ai lu "Hôtel iris"... et j'avoue que je partage l'avis de Kathel.. Une histoire très "spéciale" en effet, dérangeante et qui met mal à l'aise... au point que j'avais terminé le livre sans l'envie d'en ouvrir un autre..
    Mais, après un tel billet, je ne vais pas en rester là..
    Et puis, oui! (je relis le commentaire de Fifi) Dominique nous sélectionne toujours de bien belles citations ;-)

  • @ Macile : Ton commentaire confirme celui de Kathel

  • Je ne connais pas cette auteure, j'ai très envie de la découvrir grâce à toi! Merci!!
    Très belle journée Dominique

  • @ Kenza : bonne découverte et bonne lecture

  • C'est là que j'ai pris l'habitude de faire mes découvertes littéraires. D'ailleurs ma libraire s'interroge sur le fait que je lui pose de moins en moins de questions. Forcément, maintenant je lis avant de savoir quoi acheter pour lire. Merci Dominique.

  • @ Armando : si tu achètes deux fois plus de livres cet homme va m'adorer , donnes lui mon adresse !

  • @ Leiloona : un excellent film à voir

  • Oui, moi aussi je choisis certains de tes titres avant d'aller à la médiathèque. Je ne les trouve pas toujours mais là je viens de prendre Le désert et la grâce...

  • @ Claudialucia ; j'espère qu'il te plaira bonne lecture

  • C'est tout à fait le genre de livre que j'ai envie de lire.
    curieux quand même : tout ce que j'ai lu d'auteurs japonais ou sur le Japon parlent de société étouffante et oppressante...

  • @ Rosa : il semble y avoir un écart énorme entre ce que le Japon donne à voir en matière de méditation Zen, de l'art du Haïku, des jardins et une société dure et oppressante le mot me semble bien juste

  • J'ai lu certaines de ses nouvelles " La Piscine, les Abeilles..." des récits très surprenants, une plume originale. Puis la Marche de Mina, un roman beaucoup plus classique, très bon aussi.
    Celui-là ressemble sans doute à sa première manière ( le fantastique) avec plus de maturité. Il me fait envie!

  • @ Dominique : ce roman devrait te plaire, il est plus proche de la science fiction que du fantastique mais on retrouve la finesse et l'émotion

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