Jours de cendres à Istanbul - Berdjouhi - Traduit de l’Arménien par Armen Barseghian - Editions Parenthèses
Je n’avais jamais rien lu sur le génocide arménien, ce livre m’a immédiatement attiré car il s’agit du récit autobiographique d’une femme qui a fuit la Turquie et fait sa vie en France, son fils devenu avocat, a assuré la traduction de ce livre.
1915 la guerre est commencée depuis un an, la Turquie est alliée de l’Allemagne et les arméniens vivant à Istanbul font l’objet d’une surveillance très insistante.
Berdjouhi vient d’avoir un fils, son mari Sarkis Barseghian est un militant arménien brillant au visage "de prophète antique"
Il est,comme elle, animé par une foi totale dans la cause arménienne et prêt à sacrifier sa vie. Pour lui elle a quitté une famille riche et respectée.
Elle est inquiète " Tous les soirs j’avais le sentiment que nous nous réveillerions le lendemain en quelque désert sauvage, que plus rien des belles résidences, des jardins, des paysages merveilleux que nous avions tant admirés ne subsiterait, qu’un formidable typhon aurait tout emporté durant la nuit"
Istanbul en 1915
Le 24 avril 1915 lorsque la police secrète turque arrête six cent intellectuels arméniens (écrivains, journalistes, juristes) c’est le début du génocide.
Commencent pour Berdjouhi et les femmes arméniennes d’Istanbul ce qu’elle appelle " les jours de cendres" pendant cinq ans elle vivra seule, sans ressources, attendant en vain le retour de son mari. La ville est devenue dangereuse, elle est sans arrêt suivi lorsqu’elle se hasarde dans la rue.
A lire ce livre on est impressionné par le courage, la volonté qui anime Berdjouhi. Elle va devoir lutter contre la peur, le désespoir, la faim parfois. Son courage elle le puise auprès d’autres femmes dans cette communauté arménienne d’Istanbul privée des chefs de famille.
Cela nous vaut des pages émouvantes et passionnantes sur la vie de cette communauté, ses traditions, ses coutumes.
L’auteur rend très vivant le rôle du hammam haut lieu d’échanges entre les femmes, les repas pris ensemble, les croyances et les superstitions, la vie du quartier de pêcheurs qui après les arrestations est " un cimetière peuplé de vieillards "
Quatre femmes vont reprendre le combat des hommes. Les échos des massacres, des exactions, des tueries viennent jusqu’à elles " Comment appartenir à un peuple dont on éventre par jeu les femmes enceintes ? "
Leurs moyens sont limités, elles vont se consacrer à sauver des enfants arméniens enlevés à leur famille et adoptés par des dignitaires ou des policiers turcs.La situation rappelle les enlèvements d’enfants par les nazis, par la dictature en Argentine magnifiquement évoqué dans " Luz ou le temps sauvage" d'Elsa Osorio. On retrouve ici la même douleur, la même lutte.
Ce génocide fut un moment de honte pour l’humanité, Berdjouhi dit " la langue des hommes est impuissante à exprimer l’horreur que l’homme inflige à l’homme" Après bien des péripéties, Berdjouhi fera l’expérience de l’exil et consacrera sa vie à la protection des enfants immigrés.
J’ai beaucoup aimé ce témoignage, sobre, sincère, qui est un document fort sur cette période.
Le génocide des arméniens en 1915 dont on attend toujours la reconnaissance par le gouvernement turc.
Pour continuer votre approche le billet de Cathe sur une BD évoquant le même sujet et deux billets chez Mille et un livres sur la page littérature Turque
Commentaires
Ah ! je suis très intéressée par ce livre ! Après un voyage à Istanbul, je suis curieuse de ce fameux génocide dont on parle si peu !
Tu as raison, nos billets font résonance :-)
@ Choco : je n'avais rien lu sur le sujet et ce livre trouvé en bibliothèque m'a attiré
@ Cathe : on ne trouve pas beaucoup de billet sur le sujet dans les blogs littéraires on vient d'alimenter à nous deux les statistiques
Je ne me souviens pas avoir vu ce livre quelque part, je le note, le thème m'intéresse aussi. A un autre niveau, je me souviens avoir été touchée il y a pas mal d'années par le livre d'Henri Verneuil qui raconte son enfance de petit arménien, à Marseille (Mayrig). Sa famille était rescapée du génocide.
@ Aifelle : effectivement je me souviens non d'avoir lu le livre mais vu l'adaptation cinéma qui était assez émouvante, jours de cendres à Istanbul n'est sur aucun présentoir, je j'ai trouvé à la bibliothèque et il a fait mon bonheur
Les enfants arméniens rescapés et enlevés ont été surnommés les "restes de l'épée". C'est ce que m'a appris le livre de Fethiye Cetin, "Le Livre de ma grand-mère".
@ Naina : est ce que tu as fait un billet sur ce livre ? peux tu me mettre le lien ? je l'ajouterai volontier sur ce billet
Je note le titre, Dominique et je te suggère si tu veux poursuivre sur le même sujet UN ÉTÉ SANS AUBE d'Agop Hacikyan qui raconte l'arrivée au Canada et les années d'apprentissage d'une famille arménienne qui a fui après le génocide. Je crois que tu apprécierais.
@ Lali : Merci de cette référence, entre Naina, Cathe et toi me voilà avec une petite pile de livres à ajouter à mes envies de lecture
Je rajoute un livre : "La Bâtarde d'Istanbul" d'Elif Shafak. C'est un roman qui se passe dans la Turquie d'aujourd'hui mais qui parle des Arméniens puisqu'il s'agit de l'histoire de deux famille turques dont l'une est d'origine arménienne.
Je mets le lien :
http://notesdelecture.canalblog.com/archives/2008/09/04/10461893.html
@ Naina : merci je vais l'ajouter sur le billet
J'ai lu, il y a très longtemps, un roman sur le génocide arménien mais je ne me souviens plus du titre, encore moins de l'auteur, Dominique. Mais j'avais appris des choses effrayantes à ce sujet qui est encore très vif et présent dans l'esprit des Turcs et des Arméniens ! Comme ce génocide rappelle celui des Juifs et des Tziganes par les nazis. Malheureusement, ces derniers n'ont rien inventé. C'est la nature humaine qui est ainsi faite ... Et ce livre a l'air plus qu'intéressant à lire !
@ Nanne : Dans ce livre ce sont les prémices du massacre à venir, comme toujours les intellectuels d'abord, beaucoup de courage chez ces femmes qui apprennent les massacres et qui ne peuvent de leur coté que sauver quelques orphelins