Les critiques de ce livre parlent de roman d’espionnage, de sonder l’âme d’une oeuvre.
C’est bien de cela qu’il s’agit. Michael Francis Gibson critique d’art choisit de ne nous présenter qu’une seule oeuvre.
On a envie de dire « c’est un peu court jeune homme » et bien non détrompez-vous ce livre est une réussite totale, un parcours sans faute passionnant et dont on voudrait que l’auteur en ait fait bien d’autres.
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C’est parce qu’il a eu le privilège pendant toute une matinée de rester au plus près de la toile de Brueghel Le Portement de la croix, que nous avons droit à cette fine analyse, à cette profusion de détails.
Tout est traité, tous les coins du tableau, mêmes les plus reculés, ceux que vous n’avez jamais distingué et dont même quand on vous les met sous le nez vous avez du mal à les replacer sur l’immense puzzle. Le Golgotha loin dans le fond, les gibets qui rappellent l'époque troublée et la foule qui va assister au supplice.
MF Gibson fut immédiatement ébloui et parle de Brueghel comme du Shakespeare des Flandres, bel hommage venant d’un anglais.
Il n’est pas pressé et vous propose même de ...ne pas le lire immédiatement, de vous reporter au tableau dans son ensemble et de « pénétrer librement » dans le monde du peintre.
Il va élargir notre horizon d’observateur en apportant mille détails : les conditions météorologiques, la botanique, les sciences du moment qui intriguaient déjà Bruegel, il vient de pleuvoir nous dit-il et pour preuve ces enfants qui enjambent la boue, qui s’élancent par dessus les flaques.
Il examine la foule, il détecte les métiers, les attitudes, les habillements, la vie de chacun.
Les effets voulus par le peintre par exemple ce moulin perché sur un énorme rocher avec un minuscule meunier.
L’aviez-vous vu cette petite fille qui attend de l’aide pour traverser le gué ?
Les côtés lumineux et les zones sombres, derrière lui on explore les bosquets où l’on découvre des personnages ou des animaux cachés.
Il y a de quoi faire car Bruegel n’a pas peint moins de 500 personnages sur cette toile !!
L'auteur en vient bien sûr à nous brosser l’envers du décor, ce temps de guerres, de persécutions religieuses, catholiques contre protestants qui ensanglantèrent pour longtemps la terre des Flandres. Le peintre proteste à sa manière en vêtant les soldats de Charles Quint d’un rouge sang qui marque toute la trajectoire de la montée au calvaire.
Le peintre joue aussi des symboles, si vous regardez le groupe des « saintes femmes » sur la droite du tableau, elles sont clairement mises en valeur par leur expression de douleur, par leurs vêtements qui en fait des personnages importants, pourtant elles sont au milieu du petit peuple et c’est là un message à destination de l’Eglise qui regardait de très près la composition des tableaux et peut être aussi pour équilibrer le fait que le Jésus lui est un personnage perdu au milieu de la foule, petit, presque caché sous la croix !
J’ai vraiment été passionnée par cette leçon d’observation faite d’une façon simple, complète, très aisée à lire et qui m’a encouragé à relire les autres tableaux du peintre
Le livre : Le Moulin et la croix - Michael Francis Gibson - Editions The University Levant Press