Un billet à deux voix, deux voix et deux langues pour parler d’une mer, d'une île, d'un homme et de son livre.
Colo et Dominique se sont alliées pour vous faire naviguer vers Majorque, quatre mains pour le billet qui est publié sur nos deux blogs , des photos de Colo et de Israel Pampín un livre lu par Dominique , un petit bouquet du savoir de Colo sur son île et ses histoires d'invasions et de pirates......Pour les aficionados de la langue espagnole le billet chez colo est bilingue !! .................vous êtes prêts ?
Majorque photo © Colo
" Chaque jour de chaque été se lève et la lumière ne semble pas venir des cieux, mais s’élever, légère, fraîche, insolente, de la terre : les arbres et les talus s’amplifient lentement et se parent d’une délicate tonalité. Puis le soleil se renverse : les monts et les vallées se teignent d’un doré si intense, si clair qu’il stupéfie. "
L’homme de l'île
Né à Majorque, dans le village d’Andratx en 1937, décédé en 2009, fils d’une famille d’agriculteurs et pêcheurs, B. Porcel décida jeune qu’il voulait être écrivain.
"Il a construit son monde magique et mythique autour de la terre, pauvre, d’Andratx avec des contrebandiers, des émigrants de Cuba, des marins intrépides, des histoires fantastiques et crédibles qu’il a rendus actuels avec les changements du tourisme et de la corruption" (El País 2009).
Il a publié un grand nombre de romans et sa vie fut intense, vous pouvez lire une belle biographie de lui dans le Magazine Littéraire
Tout comme dans son livre sur la Méditerranée, dans Baleares , il offre avec beaucoup d’amour non dénué d’une touche d’ironie et d’un bon sens critique, une vision historico-socio-artistique des îles et un très grand nombre de photos.
Le livre de la mer
Baltasar Porcel est l’auteur d’un livre monde, un livre qui tisse des liens historiques, artistiques, littéraires entre les pays, les villes qui bordent la Méditerranée. Un livre pour conter sept mille ans d’histoire de cette mer vecteur de civilisation.
Comme un très grand récit de voyage il nous emmène de la Grèce au delta du Nil, d’Istambul à l’Andalousie, de Corfou à Jérusalem, de Malte à ...Venise... car il prend aussi quelques libertés avec la géographie. On navigue et l’on marche d’île en île de ports en ports.
Une autre île : Capri photo © Laurent Dubreuil
C’est un guide tout à fait extraordinaire car les escales sont nombreuses, Porcel aime le vagabondage aussi bien historique que littéraire et l’on est comblé. Tous les héros de cette Méditerranée sont conviés, les Romains, les armées de Scipion l’Africain, Barberousse et les chevaliers de Malte, Soliman le magnifique, sans oublier Ulysse et Achille au plus fort de la bataille.
Le monde littéraire est là aussi : Pline racontant l’éruption du Vésuve, les poètes Andalous, Lampedusa le sicilien célébrant la mort de son monde.
On comprend en le lisant l’attrait qu’exerce la Méditerranée depuis des siècles et comment elle a su prendre dans ses filets aussi bien Byron le héros de Missolonghi que Nietzsche réfugié à Rapallo. Son récit à le lyrisme des grandes épopées et l’érudition d’une encyclopédie.
Baltasar Porcel qui présidait un Institut de recherche sur la Méditerranée, était un homme de convictions et il réussit parfaitement à vous convaincre sans jamais ennuyer. La vie économique, les batailles, les inventions, la mythologie le livre couvre tous les champs sans jamais nous égarer.
Il cherche tout ce qui relie, qui rassemble : les paysages, les mêmes oliviers, les orangers, les forêts de châtaigniers, et le parfum de thym de la garrigue.
Un hymne bercé par les musiques du sud, car B Porcel veut croire que malgré les conflits du passé, les guerres civiles et elles furent nombreuses et sanglantes, le bassin méditerranéen peut être une terre d’unité et de solidarité.
Le livre se termine chez lui à Majorque avec une touche intimiste qui vibre de son amour pour sa terre natale.
"Je marche au milieu de l’herbe verte, masse souple, pleine de chardons tendres qui seront beaux et agressifs. Il souffle un vent très léger et majestueux, qui apporte de vagues parfums de mer et de sève. Les dernières fleurs de l’amandier, fermeté laiteuse, sentent le miel. Mais l’arbre fruitier le plus généreux est le citronnier, avec sa succession constante de citrons, la merveille jaune et son parfum enivrant."
Le livre : Baltasar Porcel - Méditerranée, Tumultes de la houle Baltasar Porcel Traduit de l’espagnol par Nelly Lhermillier - Actes Sud 1998
L’île en Méditerranée
L'histoire de Majorque
Bref historique des premières invasions basé sur le livre Baleares de B. Porcel qui n'existe qu'en langue espagnole.
Comme la plupart des îles de la Méditerranée, Majorque, et malgré qu’on l’appelle « Isla de la calma », a toujours vu arriver des vagues de visiteurs-envahisseurs.
Avant 992, date de l’occupation arabe qui dura jusqu’en 1229, l’île fut « visitée » tour à tour par les grecs, les romains qui fondèrent Palma et Pollença, les vandales et les byzantins.
Les arabes apportèrent énormément sur le plan de l’agriculture, de l’extraction de l’eau, ces moulins à vent que vous pouvez encore voir partout dans la plaine.
Et de tous temps, des pirates de tous bords. Ce qui décida le Roi Jaime I de chasser les arabes de l’île.
" La conquête de Jaime I, roi de la Couronne catalano-aragonaise, en 1229, a été due en bonne partie à la piraterie qu’exerçaient sur les navires catalans les maures de l’archipel, alors les Almohades."
Moros y Cristianos © Israel Pampín
Nombre d’entre eux venaient d’Afrique du Nord ou même de Turquie pour piller.
B. Porcel écrit que les arabes, excellents navigateurs, arrivaient sur de petites embarcations pour voler ou kidnapper des paysans, ce qui les intéressait bien plus que combattre, tandis que les turcs, moins habiles en mer, étaient des lutteurs féroces.
Mais ne croyez pas, ajoute-t-il, que les insulaires étaient des anges ! Non seulement ils se défendaient mais ils rendaient visite aux arabes pour essayer de récupérer les chrétiens pris en esclavage, Cervantès par exemple.
Que les côtes soient des endroits dangereux a eu d’innombrables conséquences : les villages sont intérieurs, seuls quelques pêcheurs vivaient au bord de mer, les habitants, méfiants, vivent repliés sur eux-mêmes dit Porcel, l’alimentation en est affectée…
(un autre billet suivra qui parlera de culture et cuisine, oui !)
Moros y Cristianos © Israel Pampín
Je terminerai ce billet par une fête commémorative, historico ludique qui a lieu en divers endroits de la Méditerranée et de Majorque, Moros y Cristianos .
Au village de Sóller elle a lieu de second lundi de mai et elle commémore l’exploit réalisé en 1561 quand la population locale s’opposa à une attaque de pirates turcs et algériens. Si elle a une base religieuse c’est son côté théâtral qui frappe le plus. Imaginez : la moitié de la population, principalement les jeunes, s’habille en maures, l’autre en chrétiens de l’époque (on dit que les habitants préfèrent être maures, mais… ?). Les combats commencent au port où débarquent les pirates qui gagnent les deux premières batailles. Se croyant déjà vainqueurs ils se rendent dans la ville où, sur la place, un guet-apens leur est tendu et le combat final est remporté…par les chrétiens.
Dans ce chaos les femmes jouèrent un rôle important : elles tuèrent deux pirates avec une barre en fer et elles sont honorées pour ce haut fait.
Si vous voulez les images et le son c'est par là
Moros y Cristianos © Israel Pampín
Rendez-vous est pris avec Colo pour tout savoir sur la culture et la gastronomie de son île nous vous attendons nombreux !