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Trajectoire d'une comète : Marina Tsvetaeva

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Il ne m’a pas fallu moins de trois livres pour rendre compte de cette femme hors du commun.
Elle est comme bien des poètes de son temps, fille de la Révolution et fille de la répression qui s’abattit sur nombre d’entre eux.
Insurgée dit Troyat, c’est certain, une femme, un poète qui toute sa vie refusa de se plier aux règles communes, règles politiques, règles familiales. Elle refusa le rôle de la bonne épouse, de la bonne mère.

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Marina en 1916



Née avant la Révolution dans un famille aisée, son parcours l’emporte vite par provocation, par choix vers l’opposition.
Elle vit l’intolérable pauvreté au moment de la guerre de 14, une des ses filles paiera cela de sa vie. Une fois les bolcheviques au pouvoir elle refuse les diktats et ses poèmes sont refusés, censurés,  elle ne trouve aucun travail digne, obligée de mendier la nourriture, de mendier un abri à ses amis. Elle devient nomade entre Moscou et la Crimée.

 

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                             Marina avec son mari sa fille Ariadna et son fils Mour

Les fléaux qui s’abattent sur elle comme sur son mari, ne l’anéantissent pas, elle résiste, elle écrit, elle a la plume en main tout au long des jours. Son soutien principal pendant des années seront la poésie et les poètes, Mandelstam dont elle tombe amoureuse, Pasternak avec qui elle entretien une correspondance littéraire et amoureuse, Rilke qui forme avec Pasternak et Marina un triangle amoureux, ces lettres sont souvent évoquées dans sa poésie « lambeau de chiffon » mais surtout bonheur fou.

Contrainte de quitter la Russie, elle prend le chemin de l’exil, l’Allemagne, Prague puis Paris. En France elle ne trouve pas auprès des immigrés le soutien qu’elle pourrait attendre, trop révolutionnaire pour eux, trop contestataire pour le régime soviétique ! Elle dit avec un humour noir « En Russie, je suis un poète sans livres, ici un poète sans lecteurs. »

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                            Boris Pasternak et Marina Tsvetaeva  © Lena Levin


La mort de Rilke, le quasi reniement de Pasternak lui seront une douleur vive dont elle ne se remettra pas. Elle est à bout et sous la pression elle fera le choix du retour en URSS, son mari a été fusillé, elle s’enfonce en Russie fuyant l’avancée des allemands pour faire finalement le choix du suicide. On trouvera près d'elle des carnets de poèmes et « pardon de n'avoir pas supporté ».

Toute sa vie elle a été « contre », toute sa vie elle a scandalisé par ses amours tumultueuses, ses coups de foudre,  ses amours scandaleuses avec une femme, elle qui choisit d’épouser un juif !! Une vie toute de passion, toute de tension, bercée par les soubresauts de l’Histoire.

Pour faire votre choix entre ces trois livres : le petit livre de Linda Lê est celui qui rend le mieux compte de la poésie de Marina Tsvetaeva, Celui d’Henri Troyat est une belle biographie qui rend bien le parcours familial, personnel mais où je n’ai pas perçu la passion pour la femme.
Mon préféré et de loin est celui de Rauda Jamis conseillé par Nadejda,  que j’ai trouvé d’occasion sans difficulté. L’auteur parvient totalement à faire aimer la femme, à nous donner l’envie de lire sa poésie. Elle fait revivre à merveille cette femme exceptionnelle.

Mandelstam disait que les oeuvres se partagent en deux groupes « celles qui sont permises et celles qui sont écrites sans permission comme on dérobe un peu d’air » c’est le cas de toutes l’oeuvre de Marina Tsvetaeva.


Quelques vers de Marina

Si vous saviez, passants, attirés par d’autres regards charmants que le mien
que de feu j’ai brûlé, que de vie j’ai vécu pour rien.

         *************

Et je dirai - console-moi,
Mon coeur blessé se tord,
Et je dirai - le vent est frais,
Le ciel brûle d’étoiles.
 

        *************


L’un est fait de pierre, l’autre d’argile,
Et moi je m’argente, je brasille,
Varier est mon affaire, Marina mon nom,
Moi périssable écume de mer.

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Les livres
Comment ça va la vie - Linda Lê - editions Jean Michel Place 2002
L’espérance est violente - Rauda Jamis - Nil Editions
Marine Tsvetaeva l’éternelle insurgée - Henri Troyat - Editions Grasset

Commentaires

  • Bonjour Dominique, je partage complètement votre avis, c'est une de mes poétesses préférées (avec Sylvia Plath, bien entendu !) Bonne journée. Claude

  • @ Claude : On se rejoint avec Marina mais Sylvia Plath j'ai plus de mal !

  • Merci de revenir sur Marina; après la lecture de 7 Femmes, c'est certainement la poétesse dont la ténacité et la fidélité à ses propres idées m'ont le plus marquée.
    L'espérance est violette, je le lirai avec plaisir, merci!

  • @ Colo : elle a un côté auquel je n'adhère pas c'est cette ligne droite qu'île suit par delà la souffrance de ses proches mais comme tu le dis elle a aussi une belle fidélité et un courage hors du commun

  • Quel personnalité! Finalement je ne saurais choisir parmi les 3 livres que tu présentes.

  • @ miriam : c'est bien pour cela que j'ai lu les trois, chacun apporte une pierre à la statue en train de se faire

  • Outre "Vivre dans le feu" qui est mon préféré, sa correspondance à trois (avec Pasternak, Rilke) est passionnante ! Toi qui aime lire les correspondances, c'est sorti chez Gallimard.
    Sinon, impossible de trouver celui conseillé par Nadedja, tristesse...

  • @ Pascale : j'ai dans ma bibliothèque qui m'attendent sagement les carnets de Marina que tu as retrouvé dans " Vivre dans le feu " et la correspondance avec Pasternak
    Mais je vais les lire doucement avec gourmandise un peu comme je lis le journal de V Woolf, ce sont des livres dont la lecture n'est jamais vraiment finie

  • J'ai commencé mon blog avec "Vivre dans le feu", une sélection de textes intimes rassemblés par Todorov, une rencontre bouleversante avec cette poétesse, une femme exceptionnelle. Pas encore lu sa correspondance, mais cela viendra.
    De son recueil "Le ciel brûle" en Poésie/Gallimard, ce poème pour toi.

    LA NEIGE

    Neige, neige
    Plus blanche que linge,
    Femme lige
    Du sort : blanche neige.
    Sortilège !
    Que suis-je et ou vais-je ?
    Sortirai-je
    Vif de cette terre

    Neuve ? Neige,
    Plus blanche que page
    Neuve neige
    Plus blanche que rage
    Slave...

    Rafale, rafale
    Aux mille pétales,
    Aux mille coupoles,
    Rafale-la-Folle !

    Toi une, toi foule,
    Toi mille, toi rale,
    Rafale-la-Saoule
    Rafale-la-Pale
    Débride, dételle,
    Désole, détale,
    A grands coups de pelle,
    A grands coups de balle.

    Cavale de flamme,
    Fatale Mongole,
    Rafale-la-Femme,
    Rafale : raffole.

    (Ecrit en français en 1923)

  • @ Tania : j'irai relire ton billet d'alors. Pascale m'a signalé Vivre dans le feu qui est composé en partie de ses carnets
    Est sorti depuis ses carnets en totalité avec plusieurs traducteurs et surtout des encadrés qui apportent le contexte historique ou personnel et qui permettent de suivre mieux le contenu du coup j'ai opté pour celui là

  • Dans le jeu sur la poésie de facebook je viens juste de me voir attribuer cette poète. Je ne la connais pas et je n'ai pas de livre d'elle ; je vais chercher sur le net et si elle me plaît je me procurerai un recueil de ses poésies!

  • @ Claudialucia : C'est sûrement une des poétesses les plus exigeantes et les plus remarquables, une découverte qui vaut la peine, je l'avais rencontré à plusieurs reprises mais c'est la première fois que je fais vraiment un morceau de chemin avec elle et c'est tout à fait passionnant

  • Une phrase qui me touche et qui sied bien au parcours de cette poétesse que j'espère découvrir à travers une lecture prochainement: les œuvres "qui sont permises et celles qui sont écrites sans permission comme on dérobe un peu d’air".

    Émouvant pardon qu'elle demande à la fin. Qui aura aussi bien résisté qu'elle ?

  • @ Christw : Elle traine avec elle souvent un sentiment de culpabilité par rapport à son mari, à sa petite fille morte de malnutrition, aux amants qu'elle délaisse ....et ses mots de la fin !

  • Je suis heureuse que tu aies aimé le beau livre de Rauda Jamis et ton billet sur Marina Tsvetaeva donne bien vie à cette femme qui ne se sentait vraiment vivante que dans la passion.
    Une éditrice, Clémence Hiver, dont malheureusement on ne trouve la plupart des livres que d'occasion est la première à avoir permis de découvrir des textes et des lettres de Tsvetaeva et ses petits livres sont magnifiques fabriqués par elle de A à Z

  • @ nadejda : oui en lisant Mon Pouchkine j'ai lu la préface de A Markovitz et il signale le travail éditorial de Clémence Hiver
    Il y a toujours des passeurs à l'affût pour le bien de la littérature

  • Une magnifique découverte, l'âme slave est habitée par une force flamboyante ! MERCI Dominique et merci Tania, je vais partir à la découverte de Marina. Bises. brigitte

  • @ Plumes d'Anges : une femme qui mérite qu'on fasse plus ample connaissance

  • @ Mango : une prochaine page poétique ?

  • Oh, quel plaisir ce billet. Je note les références que tu cites. As-tu lu celui écrit par sa fille Ariadna ?

  • @ Marilyne : je n'ai pas lu le livre d'Ariadna sur sa mère mais j'ai lu ses lettres de captivité et sa mère y tient une certaine place

  • J'ai écouté il n'y a pas si longtemps la rediffusion de nuit d'une émission sur elle, qui m'a remis en mémoire sa trajectoire. L'époque a fini par la broyer, mais quelle personnalité !

  • @ Aifelle : comme Mandelstam ou Maïakovski les poètes furent avec les romanciers les premiers visés

  • Je note aussi, j'ai publié un billet poème hier et bientôt un autre petit livre en lien avec Marina Tsetaeva...

  • @ Anne : j'ai lu ton billet hier mais je n'avais que peu de temps pour te mettre un commentaire,
    je suivrai ton billet sur Marina avec plaisir

  • Merci Dominique pour ce beau compte-rendu sur une femme exceptionnelle. Quel courage et quelle destinée! Je ne sais pas pour quoi en lisant tes lignes je pensais aux Pussy Riots d'aujourd'hui, à leur courage, à leur parole libre. A croire que la Russie sait produire des êtres de cette trempe là !

  • @ Annie : la Russie à le don de parfois écraser mais aussi de faire naître le courage, curieux mélange que l'on retrouve bien dans "la fin de l'homme rouge"

  • La poésie, hum, mais en revanche l'auteur pourrait me plaire. Je découvre qu'à la bibli le livre de Rauda Jamis est absent, en revanche elle a écrit sur Frida Kahlo.

  • La poésie, hum, mais en revanche l'auteur pourrait me plaire. Je découvre qu'à la bibli le livre de Rauda Jamis est absent, en revanche elle a écrit sur Frida Kahlo.

  • @ Keisha : quoi quoi je te croyais convertie :-)
    Oui elle a écrit sur Frida Kahlo et si c'est de la même qualité que celui là tu peux y aller

  • J'ai découvert cet auteur en feuilletant un jour un de ses carnets dans une librairie,carnets qualifiés par l'éditeur de véritable laboratoire d’écriture.

  • @ Aloïs : je te le confirme, je n'ai fait que feuilleter pour le moment ces carnets mais manifestement c'est l'écriture en train de naître, un mélange entre la création poétique et la réflexion, c'est passionnant à lire mais cela demande du temps et de lire doucement, de s'imprégner du contenu pour tenter de le comprendre

  • Sa vie est un roman, que je découvre chez toi !!! J'ai par contre quelques unes de ses poésies en mémoire comme :
    "Tel est fait de pierre, tel est fait d'argile,
    Mais moi, je m'argente et scintille
    Je m'occupe de trahir, je m'appelle Marine,
    Je suis la fragile écume marine
    Tel est fait de pierre, tel est fait de chair.
    Pour eux cercueils et pierres tumulaires;
    Dans les fonds marins baptisée
    Je suis, dans mon envol, constamment brisée!

    Au travers des cœurs, au travers des rets,
    Mon bon plaisir perce son chemin
    Moi - Vois-tu ces boucles déchaînées?
    Je ne suis point faite de dépôts salins,
    Me brisant sur vos genoux de granit,
    A chaque vague je ressuscite.
    Que vive l'écume, joyeuse écume,
    La haute écume marine."

  • @ Enitram : merci pour ce poème qui va ravir tous ceux et celles qui s'interrogeaient sur la poésie de Marina

  • @ nadalël : je souhaite qu'elle te plaise

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