Soleil levant du Cap Soya au Cap Sata
Il y a plusieurs Japon, celui de Fukushima, celui de Hokusaï, celui de Shei Shonagon, celui des usines Sony, celui des geishas….
ou celui d'Hiroshige
Partir cinq mois à la découverte de ce pays c’est ce qu’a fait Alan Booth dans les années 80. Marié à une japonaise il veut en savoir plus sur ce pays, et maîtrisant bien la langue le voilà sac au dos, étirant un voyage du nord au sud du Cap Soya au Cap Sata
Accompagnons le sur les chemins d’un Japon méconnu et insolite d dans son parcours à travers les paysages, la littérature, les villes et les villages.
Voyageant du Nord au sud il part en juin
Le point de départ
« quand a saison des pluies battait son plein. Mais Hokkaido, la plus septentrionale des quatre grandes îles japonaises, étouffait sous une vague de chaleur... C'est sans le moindre enthousiasme que les habitants du cap Soya s'aventuraient sous le soleil brûlant... »
Mais très vite la pluie va lui tenir compagnie, pluie chaude de l’été, pluie d’automne parfois glaciale lui faisant bénir les abris bus qu’il rencontre.
En bon anglais Alan Booth ajoute des notes humoristiques aux incidents et rencontres quotidiennes ainsi les réveils tonitruants offerts dans les villages
« les communautés rurales japonaises ont des moyens efficaces pour vous signaler que vous avez suffisamment dormi. Ce sont des sirènes dont le vacarme vous tire de votre fut on dès la pointe du jour »
La mise en jambe est difficile et les haltes de midi au noodle shop sont bienvenues et l’occasion de siroter une bière, boisson magique qui incite aux échanges avec les voisins de table.
La halte de midi
Comme dans toutes les randonnées l’itinéraire est le souci de chaque minute, l’auteur nous apporte quelques éclairages sur les contrées traversées
« l’île d’Hokkaido n’a été rattachée au continent japonais que relativement récemment.(…) Encore aujourd’hui elle est considérée comme atypique, de par son climat, ses bancs de glace, la rareté de ses cerisiers » mais aussi sur les inévitables détours et contours
« Le sentier le long du lac que je m’apprêtais à suivre devait être une invention des cartographes. Au moins deux personnes que j’interrogeai jurèrent qu’il n’avait jamais existé. »
Là ou Booth se révèle excellent c’est sur l’oeil mi-sérieux mi-amusé qu’il porte sur les japonais rencontrés. Les rencontres donnent lieu à des échanges ahurissants entre un anglais qui maîtrise le japonais et un japonais qui s’acharne à lui répondre en anglais car il est impossible qu’un gaijin parle sa langue !
Des écolières au paysan, du pêcheur aux vieillards, du lutteur de Sumo au calligraphe lettré, c’est un monde qui se dévoile au long des 3000 km parcourus d’île en île : Hokkaïdo, Honshu, Shikoku, Kyushu.
Etrange pays où les séismes donnent lieu à des proverbes
« Selon un vieux proverbes japonais il y a quatre chose vraiment terrifiantes au monde : les tremblements de terre, le tonnerre, les incendies et les papas »
mais aussi aux sources thermales bienfaisantes
« Un jour j’écrirai un ouvrage sur les sources thermales. Avec la bière et les têtes dans l’océan, elles me procurèrent les seules grands plaisirs corporels de cette folle équipée »
La nourriture et les haltes du soir rythment les journées, la recherche d’un ryokan (auberge) ou d’un minshuku (chambre d’hôte) réserve bien des surprises, ryokan fermés, hôteliers bougons
un ryokan au bout de la journée
mais aussi accueil sans pareil avec le bain du soir
« Un bain japonais n’est pas fait pour se laver. On se lave avant d’entrer dans le bain, de manière à être dégagé de toute obligation autre que le plaisir de s’immerger, se sentir revivre, bavarder avec les voisins, somnoler, fredonner, ou écouter tomber la pluie du soir »
Le bain rituel est l’occasion d’entrevoir un Japon surprenant « c'était un vrai plaisir d'observer ces vieilles dames dont la poitrine tombait jusqu'à la ceinture frotter le dos de leurs maris en gloussant comme des écolières »
Ajoutez une bière, un saké et c’est le repos du guerrier chaussé de geta et enroulé dans un yukata le kimono que l’on vous offre au sortir du bain. Adieu fatigue, froid, découragement !
Mais le matin venu retour aux choses plus difficiles « tofu, riz gluant et prune séchée » en guise de petit déjeuner.
Ces cinq mois de voyage passent en un clin d’oeil. Le récit est très vivant, souvent drôle, parfois surprenant et d’une grande émotion lorsque à Hiroshima il est pris à parti par un homme le prenant pour un américain.
« J’ai observé le soleil automnal embraser les feuilles des arbres d’Hiroshima. C’est dans ce même ciel sans nuage que la bombe a été larguée - plus aveuglante encore que mille soleils, disent les gens qui l’ont vue.(…) L’humanité n’avait jamais connu au cours de son histoire pareille pluie ni pareils soleils. »
Voici le bout du voyage et la pointe du Cap Sata
Je ne peux m’empêcher de vous livrer une des dernières anecdotes du livre car elle résume la sensation éprouvé par notre marcheur tout au long du périple.
« Je m'étais mis à discuter avec un vieil homme. Lorsqu'il me demanda où je vivais, je lui répondis que j'habitais Tokyo.
- Tokyo, ce n'est pas le Japon, me dit-il. On ne peut pas comprendre le Japon lorsqu'on habite Tokyo.
- Non, acquiesçai-je, c'est pourquoi je désire voir comment on vit ailleurs.
- On ne peut pas comprendre le Japon d'un simple coup d'oeil.
- Non, il ne s'agit pas seulement d'observer, comme un touriste pourrait le faire depuis la vitre d'un bus, mais de traverser le Japon à pied.
- On ne peut pas comprendre le Japon en le traversant à pied.
- Pas seulement ça, mais aussi parler à tous les gens que je rencontrerai.
- On ne peut pas comprendre le Japon en parlant aux gens.
- Alors comment voulez-vous que je comprenne le japon ?
- On ne peut pas comprendre le Japon. »
Un livre que j’avais aimé à sa première lecture et que j’ai relu avec plaisir pour vous en parler. Epuisé on le trouve malgré tout en bibliothèque bien sûr mais aussi d’occasion. N’hésitez pas à parcourir le Japon à pieds avec Alan Booth c’est revigorant en diable.
Le livre : Les Chemins de Sata - Alan Booth - Editions Actes Sud 1992
L'auteur : Alan Booth était poète et écrivain voyageur, il est décédé très jeune à 46 ans, marié à une japonaise il a travaillé au Japon.
Commentaires
tu avais deviné juste. Celui-là est vraiment pour moi! Et le voyage au Japon me tente de plus en plus
@ miriam : un livre indispensable mais pas facile à trouver, en bibli ou d'occasion je pense
Quand c'est écrit par un anglais en forme, je suis preneuse!
Tu sais qu’actuellement à Paris il y a des oeuvres de Hokusai?
@ Keisha : vile tentatrice, si les billets TGV étaient plus abordables je me précipiterais
un livre qui est fait pour te plaire
Si le livre est aussi vivant et agréable à lire que ton billet, aucun doute!
Et toujours si joliment illustré...merci Dominique.
@ Colo ; Très vivant, plein d'anecdotes, de rencontres et d'interrogations sur ces drôles de Japonais
Proverbe jamonais :
- "TaTaKe Yo SaRaBa HiraKaReN"
Traduction littérale :
- "Frappe ! Et ce qui refuse de s'ouvrir sera du passé..."
@ JEA : je ne discute pas la traduction je vous fais confiance :-)
Si tu veux voir de magnifiques estampes, tu peux venir à Giverny, la collection de Monet y est présentée dans la maison. Je vais voir si ce livre est à la bibliothèque, j'ai bien peur que non, elle n'est pas très fournie dans ce registre-là.
@ Aifelle : vous vous êtes données le mot avec Keisha ?
je suis un peu gênée de présenter un livre difficile à trouver mais parfois c'est ce qui fait le prix d'une lecture !
Je suis EMBALLÉE !!! Ce bain m'enchanterait...
Je suis émerveillée par le MYSTÈRE du Japon, je me sens attirée et certaines fois, je fuis. Que de contrastes et comme ce voyageur doit être riche après un tel périple !
J'ai fini hier au soir un livre sur lequel je ferai un billet, l'histoire se déroule dans cette partie du monde. J'espère que tu ne l'auras pas déjà lu mais j'ai peu d'espoir...
Douce après midi Dominique. brigitte
Très très dure pour moi ta session Japon... tu proposes des titres passionnants. Merci.
@ Plumes d'Anges : j'ai cherché des photos qui traduisent le plaisir ressenti par l'auteur les soirs où il peut jouir d'un bain japonais
On ne peut que l'envier
j'attends avec impatience le titre de ce livre, euh rassures toi je n'ai pas tout lu sur je Japon, heureusement car cela laisse des plaisirs en perspective
@ Marilyne : et j'en ai rajouté un à la liste pour dans deux ou trois jours !!
Je suis sûre qu'il me plaira... J'ai vu qu'il était dans mon réseau de médiathèques, et disponible en plus... demain je le réserve :-)
@ cathe : c'est encourageant de voir qu'on peut le trouver !
Tu me donnes bien envie de lire ce livre avec toutes ces très belles photos mais encore faut-il le trouver ? J'aime bien chercher, cela double le plaisir alors...
@ nadejda : oui c''est le plus compliqué
Des chemins bien tentants. L'extrait est excellent, merci : "On ne peut pas comprendre le Japon." Comprendre... Trop ambitieux, les écrivains voyageurs ?
@ Tania : Les japonais sont très fiers de leur patrie et persuadés que nul jamais ne peux les comprendre ni même parler leur langue ! du moins c'est l'expérience d'Alan Booth dans les campagnes traversées
Ca me tente bien, ça me rappelle les documentaires que j'ai regardés cet été : en plus si l'humour si ajoute, j'essayerai de l'emprunter !
@ maggie : je te souhaite de le trouver dans ta bibli si elle est bien fournie
Un pays qui me semble très loin... J'aborde le troisième volume de "1984" et j'ai beaucoup de mal à comprendre la mentalité japonaise mais je pense que justement il me semble très loin, très loin...
@ Enitram : un voyage assurément très très dépaysant même pour l'auteur qui pourtant connait bien le Japon, il va de surprise en surprise
il m'arrive de redouter l'ouverture de ton blog car je sais qe je vais devoir mettre un nouveau titre sur ma liste
celui-là j'en ai vraiment envie
merci de donner tant d'envies de lecture
Luocine ..un peu débordée en ce moment!
@ luocine : comme barbe bleue il est très risqué d'ouvrir mon blog mais je ne permet pas que l'on jette la clé !!
Ton billet est un vrai voyage à lui tout seul... Et ces photos sont vraiment magnifiques... La photo de la source thermale en pleine montagne me fait incroyablement rêver !! Cela doit être un vrai délice pour la tête et le corps... Bon, comme d'habitude tu m'as donné une folle envie de lire ce livre et de suivre ce voyage de plus près