« De la pratique du gribouillage comme art gourmand de la lecture »
Comment lisez-vous ? Est-ce que comme moi sur les livres qui vous appartiennent vous parsemez ici et là des notes, des ajouts, des renvois vers d’autres livres, le sens d'un mot inconnu, des points d’interrogation, parfois d’exclamation, parsemez vous comme moi les livres de petits feuillets en papier pelure ?
Je ne peux pas m’en empêcher, je fais de petites marques avec toujours les mêmes crayons à papier, très fins, légers, que l’on gomme sans laisser de traces. Je note, relève des phrases et j’aime relire ces petits mots des années plus tard et bien entendu parfois je ne comprends plus pourquoi j’ai relever une phrase, mais parfois cela ravive le bonheur de la première lecture.
Annotations des Provinciales de B Pascal
Quand j’ai lu la quatrième de couverture de ce petit livre j’ai su immédiatement qu'il était pour moi.
L’auteur nous y parle de son père, lecteur passionné, attentif, assidu, lecteur admirable.
Un homme discret « Vêtu de sa blouse de travail grise » d’employé des postes, un homme des choses simples « Un homme des taillis, qui furète, qui fouille » et qui tout au long du temps lit, des formats réduits, des livres à glisser dans ses poches.
Il lit de tout et partout, Proust et les souvenirs d’un mineur, au dessus de son établi ou au grenier, « les mots lui ont donné faim »
Annotations du Livre des Merveilles de Marco Polo par Christophie Colomb
Séville Bibliotheca Colombina
Il lit parsemant les livres « De minces papiers de soie, des bandes d’expédition de journaux, des fétus qu’il planque entre les pages ». Il lit « sans discrimination et sans préjugés »
Toutes les petites notes, les listes de mots, les signes cabalistiques, les dessins, révèlent l’ homme « Il lit des livres denses imprimés sur papier bible, qui se défendent par toutes les ronces d’un vocabulaire hermétique et dans lesquels on pénètre avec difficulté »
Plus que lecteur, il prend la plume, à travers bribes et petits commentaires, il se dévoile : « Il se confiait au papier, aux pages d’un livre ami, et pour se murmurer à lui-même cet émoi fugitif, coulait sa voix dans les mots d’un autre. »
C'est une émouvante découverte posthume pour sa fille dont elle jouit avec amour et pudeur.
Un petit livre précieux, une leçon laissée par un lecteur rare et gourmand de lecture.
Le livre : Ecrits dans les marges - Danielle Bassez - Cheyne Editeur
L’auteur
Née à Châteauroux en 1946. Elle a enseigné la philosophie à Grenoble. Elle a publié l’essentiel de son œuvre à Cheyne, soit sept titres à ce jour. Un roman paru chez Castells en 2007. Depuis 2006, elle partage son temps entre la Haute-Loire, l’Isère et la Grèce.
(source l’éditeur photo © Danielle Bassez )
Commentaires
Le bouquin serait-il comme un arbre ? Des enfants pas encore formatés y construisent leur cabane. Des papillons nomades en emporteront les frémissements derrière les horizons. La foudre même se défoule sur lui, les nuits de trop larges désespoirs. Ses fruits offrent les parfums des interdits. Ses noyaux protègent des promesses de lendemains qui rechantent. Suivre ses racines, c'est retrouver le langage classique des corneilles.
Il est en pour graver des mots faussement définitifs sur ses écorces. Ou pour glisser des billets fragiles dans ses creux.
Le bouquin serait-il un arbre qui ne cache pas la forêt des bibliothèques ?
@ JEA : un tout petit livre mais foisonnant d'amour pour les livres et la lecture à travers ce père que l'on aurait aimé connaitre
C'est un livre qui devrait beaucoup me plaire aussi. J'ai eu longtemps cette habitude mais je l'ai perdue depuis que j'ai ce blog curieusement. Je me sers de post-it pour indiquer les pages marquantes mais je n'écris plus dans les marges.
@ Mango : ici le lecteur écrit dans les marges mais aussi sur tout une série de petits supports certains inhabituels d'autres très "rustiques" et tout démontre sa lecture patiente et très attentive
Je me retrouve tout à fait en te lisant.
J´ai toujours mon crayon de papier à côté de moi pour laisser de petits signes.
J´ai aussi une feuille de papier pour inscrire mes critiques, mes réflexions que je recopierai sur mon petit carnet de sac.
@ alba : j'ai démarré l'année avec le billet sur les carnets de lectures et c'est ce livre qui m'en avait donné envie, j'ai été très touché par cette expérience d'un homme de lecture et sa fille le met magnifiquement en scène
Ce livre et surtout ce lecteur me plaît car je m'en sens comme toi très proche. Je le note. Je trouve merveilleux pour sa fille qu'elle ait des livres annotés par son père qui permettent de rester unis par delà le temps.
@ nadejda : l'art et le bonheur de la transmission
Sauf dans mes livres d'études à la fac, je n'ai pas l'habitude d'annoter mes livres, peur de gêner le lecteur qui viendra après moi? crainte d'abimer le livre? c'est vrai que mon blog me suffit pourtant ce n'est pas la même chose. Les annotations parlent de l'émotion ressentie sur le vif au fur et à mesure de la lecture, le blog présente une synthèse de ce ressenti et c'est forcément moins détaillé et moins spontané!
@ claudialucia : je parle bien sûr d'annotations sur les livres qui m'appartiennent que je fais toujours au crayon papier pour pouvoir être effacées d'ailleurs cela m'arrive de gommer une remarque qui après coup ne me convient plus, on change ...
J'ai très longtemps écrit dans les marges depuis le lycée mais depuis une dizaine d'années j'écris directement dans mes carnets, pourquoi, je n'en sais rien ???
Ce livre m'intrigue...
Très bonne journée
@ Enitram : un tout petit livre que j'ai trouvé en fouinant et un peu par hasard mais qui ne quittera pas ma bibliothèque
Plus qu'écrire, je fais des croix et autres signes divers ou encore je souligne des passages. Quand je relis un livre ainsi marqué, je me retrouve quasiment toujours dans ces marques. Il m'arrive ensuite de m'appuyer sur ces signes pour faire un bilan, rédiger des réflexions, etc.
A l'heure actuelle, je relis deux livres (que je n'avais pas marqués en première lecture, l'un parce que j'étais trop absorbée, l'autre parce qu'il était à la biblio mais que j'ai désormais mon exemplaire) et ils subissent justement mes assauts.
J'ai le sentiment que les livres qui valent vraiment la peine d'être lus finissent tous par être marqués d'une façon ou d'une autre (je corne beaucoup aussi, toujours pour revenir avec un crayon une fois ma lecture finie). Quand on me parle de sacrilège, je suis étonnée car pour moi un livre marqué est un livre de valeur qui a su me remuer plus qu'un autre, qui m'a interrogée, bref qui a fait son boulot de livre.
@ Flo : ça fait plaisir de voir que nous sommes nombreux à partager ce genre de chose, j'aime mes livres mais pour leur intérêt et je n'hésite pas à écrire dessus ils me sont précieux mais ce ne sont pas des objets précieux intouchables, ils doivent vivre et me faire vivre
la plupart des livres que je lis viennent de bibliothèque. pas question d'écrire dessus! en revanche j'ai découvert les post-it que j'enlève quand je rends le livre.
@ miriam : vous êtes plusieurs à utiliser les post it c'est une bonne idée mais à laquelle je ne pense pas assez pour les livres empruntés par exemple, il faut que je m'y mette c'est plus souple que le carnet
Confier au papier ses émois fugitifs...
J'imagine (et envie) l'émotion de la fille découvrant ainsi des aspects de son père probablement inconnus d'elle.
@ colo : à travers ce livre on sent l'amour du père pour les livres et l'amour d'une fille pour son père
Je n'écris pas dans les livres: d'abord ce sont souvent des livres de bibliothèque. Mais dans les miens non plus, je ne sais pas pourquoi, le respect (?) de l'objet sans doute. J'ai du mal à y crayonner.
Par contre quel intérêt pour les annotations manuscrites des autres ! J'en perds le fil du récit et découvre avec jubilation une simple rectification de coquille: j'imagine l'autre lecteur, lectrice, ses motivations,... etc...
@ Christw : si un jour vous aviez dans les mains un de mes livres c'est ce que vous trouveriez, les petites marques pour signaler une coquille ou une définition d'un mot inconnu, je me souviens avoir ainsi marquer un livre et retrouver les définitions quelques années plus tard pour m'apercevoir que si je me souvenais de certains mots il y en avait d'autres pour lesquels la définition était de nouveau la bienvenue
Souligner, cocher, parfois quelques mots dans les marges... mais beaucoup de notes à la fin du livre, ma première ressource quand j'y retourne. Ce petit livre a l'air délicieux. Lire et relire, c'est aussi se relire et constater qu'une phrase soulignée ne le serait plus, en souligner d'autres (j'en ai parlé ici, pour info : http://textespretextes.blogs.lalibre.be/archive/2008/03/11/lire-et-relire.html )
@ Tania : merci pour le lien, je ne crois pas que j'avais lu ce billet lors de sa publication et il est parfaitement en lien avec ce livre
Récemment j'ai revu l'interview de Marguerite Yourcenar par Bernard Pivot à Petite Plaisance, elle y confirme sa façon de lire toujours deux fois les livres, immédiatement ! une discipline à laquelle elle n'a jamais failli
Je n'ai jamais osé écrire sur un livre, peut-être parce que là où j'ai grandi c'était un objet inaccessible, rare et réservé à d'hypothétiques élites, donc intouchable. Maintenant, j'utilise souvent des post-it, des grands, des petits, colorés différemment ... et je n'ose toujours pas souligner des passages même quand j'en ai envie, j'aurais une impression de sacrilège !
@ Aifelle : Ton respect s'apparente à celui de Christw et je peux le comprendre, mes premiers livres vraiment personnels je les ai achetés avec l'argent de poche que je gagnais aussi j'avais en écrivant le sentiment de me les approprier un peu plus mais parfois devant certain livre broché (la plupart du temps je ne pouvais acheter que des poches) là j'avais cette impression de révérence, de respect et de tenir un petit trésor dans les mains
Il m'a fallu du temps pour écrire dans mes manuels de cours (trop pratique!) mais pour les livres "à lire" je ne peux pas (surtout qu'ils ne m'appartiennent pas toujours!) et j'utilise les post it, ça c'est une belle idée!
@ Keisha : vous allez finir par me flanquer quelques remords ! mais je me connais cela sera vite passé :-)
Quel merveilleux cadeau posthume de cet homme à sa fille ! La vie qui continue... et l'amour aussi. Bises Dominique, merci. brigitte
@ Plumes d'Anges : laisser une trace pour ses enfants : joli cadeau
Curieusement je n'écris jamais rien dans les livres,livres empruntés maintenant à 90%.Dans les livres qui m'appartiennent parfois un petit papier mais qui change de page régulièrement,ce qui tout compte fait ne sert à rien.Mais je suis comme ça pour tout.Par exemple je ne prends pas de photos,presque jamais,y compris de mes voyages.D'ailleurs je n'ai pas vraiment d'appareil.Une seule boîte à souvenirs chez moi,la boîte crânienne,pas facile à faire partager,je l'avoue.Depuis que la blogosphère existe pas mal d'éléments persistent cependant.A bientôt...
@ Eeguab : ah intéressant quelqu'un qui ne laisse pas de traces ...
Je ne peux qu'encourager tout le monde à aller lire ton dernier billet que j'ai beaucoup aimé
c'est ici http://eeguab.canalblog.com/archives/2012/01/04/22973069.html
ça devrait beaucoup m'intéresser également !
@ L'Irrégulière : il tente beaucoup de lecteurs
Je conserve très peu de livres à part les livres d'art ,ayant peu envie de repousser les murs en permanence!!
Et puis j'ai la chance d'avoir à portée de main une assez bonne bibliothèque
Je prends des notes sur un carnet de lecture
Effectivement les livres que je garde sont truffés de "petites fiches" et notes au crayon.
Je lis avec crayon,gomme et carnet!!!
Bonne journée
@ autour du puits : l'attirail du parfait lecteur : gomme crayon carnet !!
je me souviens que tu ne gardes que les livres d'art, je suis incapable de ne pas être entourée de livres, même si j'ai fait récemment un grand ménage certains me sont indispensables j'ai besoin de les savoir là et ce sont ceux là qui sont truffés de petites notes
Ma chère Dominique, comme toi je coche très légèrement au crayon de papier des passages, souligne des phrases, des mots... Et comme toi, j'aime relire ces annotations (qui parfois prennent un autre sens) quelques années plus tard...
Bisous et très belle journée
@ kenza : c'est bon de retrouver les impressions ressenties longtemps auparavant
Non je ne m'autorise pas cette liberté : écrire sur un livre ...mais le livre que tu présentes semble bien attendrissant ... comme tout livre qui parle de l'amour des livres
@ Malika : je viens de mettre un commentaire chez toi mais j'ai l'impression que pfft il s'est envolé
une liberté sur mes livres uniquement !!
Ce n'est que depuis que j'ai ouvert mon blog que je laisse des traces dans les livres ! Avant je n'osais pas. Je n'écris que très peu, je fais une petite croix où trace un trait vertical, pour signaler quelques mots ou une ligne qui m'intéresse, je mets une flèche en face de la ligne où se trouve un mot dont je veux parler dans "les drôles de mots", le mot étant lui-même souligné. Les seules pages gribouillées sont les pages blanches à la fin de l'ouvrage sur lesquelles je laisse la mention de toutes les pages sur lesquelles je compte revenir.
Si mon mari souhaite lire ce livre après moi, en général j'efface tout, car en tant que lectrice je n'aime pas du tout ce genre de marques dans le texte...
@ Annie : j'aime assez ton idée de noter en fin de livre les pages auxquelles revenir
J'ai beau fonctionner différemment de Eeguab, j'aime beaucoup sa réponse, sa façon de "voyager léger", même si maintenant il va falloir lui ouvrir le crâne pour accéder à ses souvenirs ;)
(je ne l'avais pas précisé mais je pratique aussi assidûment le post-it. En fait, j'essaie de décrocher donc c'est un peu tabou pour moi :D Je suis accro au post-it d'une façon générale ; c'est un pur cauchemar).