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La Berge des rennes déchus - Jovnna-Ánde Vest

Voyage au pays Same

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Les lectures faites dans l’enfance sont de celles que l’on oublie pas, Frison-Roche m’avait emporté chez les sames il y a bien longtemps et j’ai fait avec lui un voyage au pays des lapons (Le rapt et La Dernière migration) romans sans doute un peu folkloriques mais que je n’ai jamais oublié.
Me revoilà  aujourd’hui en Laponie Finlandaise avec un auteur né dans le petit village de Roavesavvon.
Jovnna-Ande Vest nous fait franchir d’un bond le temps et l’espace, il nous introduit dans une société de l’immédiate après-guerre loin au nord du nord.
C’est son père le héros de ce récit largement autobiographique, un père pour le moins extraordinaire, aimé et honni à la fois par son fils.
Loin de l’attachement permanent aux traditions, ce père est un précurseur, lui le lapon qui vit et fait vivre sa famille de la pêche au saumon, de l’élevage des rennes est en même temps un passionné fou de technique et de modernité « Il était porté par la fascination fantasque du progrès technique. »

La fascination du père s’exerce d’abord sur une moto, mais la fièvre le tient et il passe ensuite à des voitures pour lesquelles il lui faut tenter cinq fois le permis car « Il réussissait chaque fois l’épreuve écrite, mais quand on abordait la conduite les choses se gâtaient. »
Bien sûr il a le premier magnétophone à cassettes, il apprend le suédois à distance, fait l’acquisition d’une machine à écrire. Mais la modernité a un prix : l’incendie de la maison « En somme, nous avions gagné la lumière, mais le feu détruisit nos habitations. »
Même dans les activités traditionnelles, comme la cueillette des mûres arctiques, le père est un incorrigible rebelle :

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« Papa était un cueilleur de moréales hors pair, mais je ne me rappelle pas qu’il ait une seule fois rempli un seau d’airelles ou de myrtilles au point d’en recouvrir le fond.(...) On connaissait bien sûr des marais dans lesquels il poussait toujours des moréales, pour peu que ce fût une bonne année à moréales. Mais ces marais-là n’intéressaient guère mon père. Il voulait chercher et découvrir lui-même ses coins à moréales. Du fait de son obstination, plus d’une moréale a échappé à notre cueillette. »

D’essai en fiasco total, le père curieux impénitent entraîne sa famille dans ses tribulations. Se dessine une vie marquée par la fracture entre traditions et vie nouvelle, entre regrets et espoir.

J’ai beaucoup aimé ce récit-témoignage, entre conte drôlatique et souvenirs émouvants, entre histoires truculentes et péripéties pitoyables. La langue dont la traduction est assurée par l’épouse de l’auteur, spécialiste des langues nordiques, est riche, inventive et reflète la truculence du personnage.
Souhaitons que l'éditeur publie la trilogie du même auteur.

Le livre : La berge des rennes déchus - Jovnna-Ande Vest - Traduit par Jocelyne Fernandez-Vest - Editions Cénomane

Vest-Jovnna-Ande.jpgL’auteur : Né en 1948, en Laponie finlandaise, Jovnna-Ánde Vest est écrivain et traducteur. Son premier roman, La berge des rennes déchus (1988), est aussi le premier traduit en français. Sa trilogie Les héritiers (Árbbolaččat, 1997-2006), a été nommée en 2006 pour le Prix de Littérature du Conseil Nordique. Vest a traduit en same plusieurs romans d’écrivains finnois et scandinaves, dont ceux de Timo K. Mukka.(source l’éditeur)



Commentaires

  • Les Lapons me fascinent. Voilà bien un peuple trop peu connu, qui ne fait la une que le temps de Noël et tout le tintoin, et qui méritent certainement mieux que les clichés. Voici donc un livre qui nous fait entrer à l'intérieur de ce peuple de la périphérie. Une belle découverte.

  • @ Damien : Si le livre marche bien on peut espérer la traduction du reste de l'oeuvre de cet auteur
    j'ai été très intéréssé car l'auteur ne cherche pas du tout à faire "couleur locale"

  • Je suis de plus en plus, attirée par la littérature nordique,je trouve trop peu connue,ce qui à mon avis est bien dommage.
    J'ai rarement été déçue.
    Si nous voulons que la suite soit traduite c'est à nous lecteurs de continuer ce que tu as si bien commencé ,faire connaitre ce livre
    Bonne journée

  • @ autourdupuits, parfois les polars ont du bon car on peut dire que c'est à travers eux que les yeux se sont portés vers la littérature nordique, je me souviens que pendant des années les noms des auteurs ne déclenchaient par beaucoup de réactions
    Des trésors à découvrir

  • La vie, qui me semble impossible dans les pays "si" nordiques, m'intéresse énormémement. Comment s'arrangent les gens, que pensent-ils, font-ils pendant 6 mois d'obscurité, de glace?
    Merci d'en parler...à lire évidemment!
    Soleil ici...enfin!....belle journée Dominique.

  • @ colo : la nuit dite "polaire" est certainement dure à vivre, sais tu que les finlandais font du ski de fond sur des pistes éclairées en périphérie des villes ?
    Quand on y fait du tourisme c'est en général plutôt le soleil de minuit qui nous attire !

  • Lapons, mures arctiques... voilà qui me rappelle la lecture de Cent as de H Wassmo (oui, elle est norvégienne)
    Encore une fois un livre épatant et inconnu...

  • @ Keisha : ici il ne s'agit pas d'un roman mais il est certain qu'il y a une parenté, Norvège ou Finlande pendant longtemps les Same n'ont pas eu de frontière

  • J'ai beaucoup aimé les livres de Frison-Roche que tu cites dans ce billet. Il m'a fait découvrir ses montagnes, moi qui ne connaissais que la mer. Quant à la Laponie, voilà encore un endroit que j'ai bien du mal à imaginer, bien qu'il me fasse aussi rêver par romanciers interposés comme celui que tu présentes.

  • @ mango : Frison Roche j'ai rêvé avec lui comme toi et j'ai transmis le virus à mes filles !

  • Nos librairies exagonales font de plus en plus la part belle aux lecteures venues du Nord, et c'est tant mieux !!
    J'aime ces romans qui nous emmènent loin ...

  • @ Malika : il y a un rayon nordique maintenant dans les librairies, longtemps j'ai cherché Laxness et il était classé ....n'importe où , heureux changement

  • les fils qui savent raconter l'affection qui les relie à leur père m'ont toujours fait sourire. Je mets ce livre dans mes projets.
    Amicalement
    Luocine

  • @ Luocine : on y sent tout l'amour et l'admiration pour ce père si particulier mais sans complaisance en pointant aussi ses défauts dont la famille a souffert

  • @ miriam : de chez toi à chez moi on passe allègrement du soleil de Toscane aux brumes nordiques

  • Ces lectures venues du nord sont très souvent un enchantement. Il y a un style d'écriture particulier qui me plait beaucoup.

  • @ dimitri : une littérature qui se reconnait : des glaçons tintent quand on ouvre le livre :-)

  • Il va falloir que je commence à lire cette littérature scandinave.

    Merci Dominique.

  • @ alba : bonne lecture par avance, très différent d'Aranjuez !

  • La Laponie, voilà une terre qui nous semble encore bien sauvage ! Ce texte a l'air amusant et impertinent, non?

  • @ Manu : impertinent oui, amusant je ne dirais pas ça même s'il n'est pas dénué d'humour, c'est surtout passionnant de voir surgir un monde inconnu

  • Ton billet ouvre un champ de curiosité autour de cette relation entre père et fils, thème universel, et aussi pour ces langues sames et la culture saami dont j'ignore tout. Le site de l'Institut polaire français signale que "Les Sâmes ont en Suède, en Norvège et en Finlande (mais pas en Russie) un droit de vote dans le parlement Saami, une autorité spécialement désignée. Ce dernier est un parlement démocratiquement élu qui agit comme une autorité gouvernementale."

  • @ Tania : oui la frontière n'existe pas vraiment pour les Sames, c'est une culture intéressantes, soumise longtemps à une certaine "oppression"
    il est intéressant de voir ce que cette génération dit de l'école, de la culture...
    Ici les relations père /fils sont tendues mais empreintes d'amour et de respect

  • Je suis émerveillée par ces personnages qui veulent découvrir leur propre chemin, c'est courageux, il y a un prix à payer... Mais quelle force ! Une fois de plus, tu nous donnes envie de lire cette histoire, merci Dominique. Des bisous, douce journée. brigitte

  • @ Plumes d'Anges : j'ai été séduite par l'auteur qui a fait un long chemin sans rien renier, sans dénigrer mais avec lucidité et amour

  • Les ouvrages qui oscillent entre traditions et modernité m'intéressent beaucoup. Je connais peu les lapons, cependant je suis certaine que ce livre me plairait. C'est de celui-là dont tu me parlais hier?

  • @ Allie : oui c'est ce livre, non pas parce qu'il est ressemblant avec celui que tu as chroniqué mais parce que j'ai senti là aussi la difficulté qu'il y a : à la fois proposer une scolarisation, éduquer et comment le faire sans "tuer" la culture d'origine
    Au pays Same aussi pendant longtemps il y a eu coercition mais à la lecture de ce livre on voit l'évolution des mentalités

  • Bonjour Dominique.J'ai moi aussi lu Frison-Roche avec plaisir.Il y a des lustres.Quant à Spinoza je viens de m'apercevoir qu'il est dans tes auteurs favoris.Il faut te dire que je n'ai jamais aimé lire les ouvrages philosophiques en général malgré un baccalauréat philo(tiens c'est demain).Par contre je partage avec toi sur ma liste Steinbeck, Dostoïevski,Tolstoï et sûrement bien d'autres.J'apprécie ton humour.A bientôt.

  • @ Eeguab, merci de ton commentaire qui me donne le sourire après ma semaine un peu pourrie au boulot cela fait du bien
    Même si tu n'es pas Spinoziste je continuerai à te lire :-)

  • Une littérature que je ne connais pas assez... Les lapons sont encore dans mon vécu enfantin, liés aux cartes des sept familles!!!
    Tu me donnes envie d'explorer cette littérature mais en ce moment je lis celle de l'Inde que je découvre aussi... Il y en a tellement à découvrir!
    A bientôt

  • @ Enitram : j'ai quelques livres sur l'Inde qui m'attendent patiemment !

  • Une littérature que je ne connais pas assez... Les lapons sont encore dans mon vécu enfantin, liés aux cartes des sept familles!!!
    Tu me donnes envie d'explorer cette littérature mais en ce moment je lis celle de l'Inde que je découvre aussi... Il y en a tellement à découvrir!
    A bientôt

  • @ Lin, pain d'épices et chocolat : merci de ton passage et à très bientôt pour une de tes recettes ou dans un de tes fauteuils

  • D'ailleurs dans Cent ans (j'y reviens) il semblerait que les Same (ou Lapons) étaient mal considérés, ou comme inférieurs. On venait les étudier ou mesurer...

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