Faire la queue
A Paris pendant la guerre
Faire la queue, cela réveille en nous le souvenir des temps qui de détresse, la famine, la conscription. Quand nous faisions la queue avant la guerre, c’était une joie, pour une jouissance artistique. On se mettait en file devant l’Opéra, devant un théâtre, rongeant notre frein, mais joyeux, brûlant d’impatience, l’attente même augmentait le plaisir, enthousiastes, nous nous rassemblions en une allègre cohue, jeunes gens, amis camarades, étrangers.
Aujourd'hui à Maputo au Mozambique
Nous n’y étions pas contraints, poussés par quelque nécessité.(...) Ce n’est que pendant la guerre, et après, que le monde à découvert cette humiliation, cette nouvelle forme d’attente dictée par la contrainte, la peur et la nécessité, comme on attend un interrogatoire, un jugement, et c’est pourquoi, chaque fois qu’on nous l’inflige, ne fût-ce que pour quelques minutes, s’éveillent au profond de moi-même la révolte et la colère.
Le livre : Journaux 1912-1940 - Stefan Zweig - Editions Belfond
Commentaires
J'espère que nous n'aurons plus jamais besoin de la faire par nécessité à notre tour, en dehors de celles devant les grandes expositions!
@ mango : j'ai trouvé ce passage chez Zweig en cherchant autre chose et il m'a subitement parlé en pensant aussi aux queues à Haïti pour se ravitailler
Je n'ai pas connu les temps de queue pour la nourriture (encore que .. si dans les pays de l'Est, mais c'était temporaire), mais je ne supporte pas d'attendre contrainte et forcée, et souvent plus à cause d'une mauvaise organisation que d'une réelle nécessité. HS. Film à voir s'il passe dans ton coin "circus Colombus".
@ Aifelle : idem la queue je ne connais que celles des cinémas et des expos ( l'espos Manet à l'air bien partie à ce propos )
Mais ta remarque sur les pays de l'est me donne une idée de prolongation de ce billet !
merci pour le conseil ciné tu veux concurrencer Dasola :-) ??
La première photo est remarquable ! Avec de la perspective et une complémentarité entre les gens et les décors. Vous en avez une collection de cette qualité ???
@ JEA : je l'ai trouvé sur un site consacré au temps de l'occupation, mais je ne sais pas si elle appartient à la propriétaire du blog (j'ai mis un lien sur l'image)
Et oui voila une de ces expressions qui selon leur contexte peuvent signifier tout et leur contraire.
Nous avons la chance de faire la queue majoritairement pour le plaisir,je pense qu'il ne faut perdre de vue que d'autres font la queue pour d'autres causes et donc rester décents,ne pas pester
Bonne journée
@ autourdupuits : en lisant Zweig on sent tout ce qui nous a été épargné mais qui aujourd'hui n'est pas du tout épargné à d'autres
j'ai horreur des queues qui m'ont parfois fait renoncer à un ciné, une expo ...mais comme tu le dis restons décent, faire la queue pour manger c'est tout autre
Dans les pays de l'Est ils ne pouvaient pas se payer le luxe de se mettre en colère dans des pays sous surveillance permanente. Les queues dues à la pénurie organisée en mode de gouvernement , endurées pendant des heures pour parfois ne rien obtenir, étaient leur lot quotidien et dévoraient leur temps. Ils les faisait en silence. Ce n'est pas loin de nous ni dans le temps, ni par la distance.
@ nadejda : ton commentaire et celui d'Aifelle me donne envie de poursuivre, je vais faire peut être ce week end une suite à ce billet
Personne n'aime tellement faire la queue, nous la faisons pour des raisons moins déplaisantes qu'une pénurie, finalement.
L'arme absolue contre l'impatience : lire dans les queues... ^_^
@ keisha : toujours positive, j'ai souvent un livre dans mon sac, jamais prise au dépourvu car j'ai une patience très très limitée
et toujours Zweig! A lire et à relire!
@ miriam : on n'en finit jamais de ses journaux et de sa correspondance !
je ne connaissais pas cette citation de Zweig très bien illustrée
En effet, c'est éloquent!
Il y a dans les nouvelles de Marcel Aymé (mais je ne retrouve plus le recueil - La carte in "Le Passe Muraille" ? - je croyais que c'était "Derrière chez Martin", mais non), une nouvelle de queue qui est très bien. Je suis une inconditionnelle des nouvelles de M.A.
@ Agnès : merci de cette référence, je connais très très mal Marcel Aymé et en dehors du Passe Muraille je n'ai rien lu je crois
Cet extrait et le titre me rappelle un tout petit ouvrage que tu devrais aimer, "La Queue", de Paul Achard sur les restrictions pendant la 2ème Guerre mondiale ... Contrairement à ce l'on pourrait croire, un livre plein d'humour et de répartie sur tout ce qu'il a pu entendre dans les longues queues durant la guerre. Un vrai florilège !
@ Nanne : comme d'habitude un commentaire enrichissant, je note ta référence, elles ne me déçoivent jamais tes propositions de lecture