Imaginez Bach à 20 ans ! Oui je sais c’est un peu difficile.
Il est organiste à Arnstadt en Thuringe
« Arnstadt une ville glaciale en hiver »
Il est connu, respecté, obéissant. « Il jouait son rôle avec ferveur et discrétion »
Le hasard le met en contact avec une partition de Dietrich Buxtehude, sept cantates, il savoure cette partition, elle l’exalte.
L’urgence lui apparait de percer le mystère de cette partition, de rencontrer le créateur de cette oeuvre incroyable.
Il obtient un congé de 4 semaines du Consistoire, congé qu’il va allonger à sa guise.
Il prend la route en plein hiver et va abattre les 400 km qui le séparent de Lübeck pour rencontrer le Maitre, la partition serrée contre son coeur.
Son voyage est tout de solitude et de silence.
Rien ne lui importe, le froid de gueux, les voleurs qui le détroussent au passage, il n’a en tête que le Maître Buxtehude et sa musique parce que la musique est tout :
« On lit la musique comme on entre au couvent. On lit la musique pour entendre une autre voix que la sienne, plus profonde, plus sérieuse. Pour lire la musique, il faut être disponible à cette voix des profondeurs, à cet appel du silence, rugissant. »
Les Orgues d'Arnstadt
On a envie de dire qu’il fait une fugue, mais bon je vous l’accorde c’est un rien facile.
C’est plutôt un pèlerinage initiatique, sa foi en Dieu l’accompagne, celle que l’on va retrouver dans l’Oratorio, dans les Messes et les Cantates. Le récit est d’ailleurs émaillé de références bibliques.
Statue de Bach à Arnstadt
Simon Berger nous fait vivre ce voyage :
« Les haleurs passent devant Bach. Lui regarde, heureux d’être étranger à leur labeur, honteux de ne pas les aider. De la musique plein la tête, il est à peine gêné par leur chant. On entend que Dieu est ma tour, que Dieu est ma forteresse. On ne sait pas qui chante. On devine à peine que quelqu’un chante. Tout parle d’une voix qui se met à chanter, sans que l’on sache quand, exactement. Les arbres, les haleurs, le silence chantent. C’est la musique qui commence. Ce n’est pas qu’elle emplit tout, c’est que tout subitement la connaît. La musique est devenue la couleur du monde. »
Est-ce ce voyage qui a transformé Johann Sebastian en Bach tout court ?
Un récit qui se déroule avec le temps de la musique pour le rythmer.
D’ailleurs cela n’est peut-être jamais arrivé. Mais quelle importance ?
On n’a l’impression de voir éclore le musicien, de le voir prendre son envol.
La rencontre avec Buxtehude va avoir lieu,reflet de la rencontre de l’auteur avec Johann Sebastian Bach « cet homme qui tutoie Dieu avec sa musique. »
Ce texte est un petit bijou, de ceux dont on regrette qu’il soit si court. Simon Berger est inspiré par Bach et nous sert un texte plein d’ardeur et de douceur mêlées, de musicalité.
Retrouvez dans ce roman la complicité manifeste qui unit l’écrivain et le musicien.
Il sait mettre en mots les bonheurs et la plénitude de la musique et vous n’aurez qu’une envie c’est d’accompagner cette lecture par une cantate, une fugue, là où va votre préférence.
Photo © Editions Corti
Un petit mot sur l’auteur car c’est un tout jeune homme qui étudie la philo à Normale Sup et c’est son premier roman. Chapeau bas !
Le livre : Laisse aller ton serviteur - Simon Berger - Editions Corti