Bien sûr Bernard Pivot et Pierre Assouline n’ont pas aimé, bien sûr je n’aime pas du tout l’auteur, bien sûr l’homme m’agace avec son ego surdimensionné, qu’est-ce que ce serait s’il ne penchait pas un peu du côté du bouddhisme ! Il abuse de la métaphore et de l’analogie avec parfois le plus parfait mauvais goût, il aime choquer, agacer, il est drôle et trivial à la fois, oui MAIS....
J’ai lu d’une traite et avec grand intérêt le livre d’Emmanuel Carrère. Dans un genre totalement différent il s’apparente au livre Vies de Job (pardon Monsieur Assouline je sais que vous, vous ne l’aimez pas du tout) pour donner envie au lecteur de s’interroger sur une religion en régression en Europe mais se portant bien sur d’autres continents. Il démarre fort d’emblée quand il nous dit que c’est assez étonnant que
« des gens normaux, intelligents, puissent croire à un truc aussi insensé que la religion chrétienne, un truc exactement du même genre que la mythologie grecque ou les contes de fées ».
Jésus est assimilé à un révolutionnaire venant ficher le bazar ce que les juifs et les romains tolèrent très mal.
J’ai souri au portrait bien peu flatteur de Paul une sorte de fou furieux qui
« avait une sale gueule, un corps robuste et disgracieux, qui était bâti à chaux et à sable mais qui était en même temps tourmenté par la maladie »
il était fanatique et intransigeant, Luc à côté c’est la crème des hommes, un peu faible, « un amateur d’anecdotes »
Paul malgré tout à réussi un tour de force, il
« a fait triompher sa cause d’une manière spectaculaire. Deux mille ans plus tard, on en est encore là. C’est en soi stupéfiant. Cette stupeur est un des motifs sur lequel s’est construit mon livre »
J’ai ri à bien des comparaisons : Néron et Poutine, la Troïka des apôtres Jacques Pierre et Jean, ou la comparaison entre les dissensions de l’Eglise naissante et celles des membres du politburo ! D’autres sont outrées mais que voulez-vous c’est Carrère.
Ce livre est un bon guide pour faire retour vers les premiers temps du christianisme, E Carrère est un bon vulgarisateur, il sait être clair, bienveillant envers les croyants, normal me direz-vous pour quelqu’un qui fut un fervent catho pendant quelques années. Il le fait en écrivain car
« Je ne suis ni un exégète ni un bibliste ni un helléniste, mais j’ai fait en sorte que le lecteur dispose d’une information historique fiable et synthétique » nous dit-il.
Manifestement il a beaucoup lu, beaucoup travaillé pour ce livre, Ernest Renan l’auteur de la très controversée (à l’époque) Vie de Jésus, a été une des ses principales sources en lui rappelant que l’écrivain se doit de présenter
« comme certain ce qui est certain, comme probable ce qui est probable, comme possible ce qui est possible »
Rogier van der Weyden
Saint-Luc peignant le portrait de la Vierge
J’ai fait avec intérêt ce voyage sur les traces de Paul et de Luc dans le Moyen-Orient romain au temps de Tibère, de l’incendie de Rome, voyage qui donne envie d’aller lire ailleurs.
Livre singulier qui m’a, malgré ses excès, captivée et passionnée et surtout m’a guidé de ricochet en ricochet vers le passionnant Corpus Christi de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, vers l’histoire du Christianisme de Renan.
Il est possible que les ayant lu je trouve Carrère moins bon...on verra
Je vais lui faire une place dans ma bibliothèque à côté de Renan et Pierre Assouline on verra si la cohabitation se passe bien.
L'avis de Cathe
Le Livre : Le Royaume - Emmanuel Carrère - Editions P.O.L 2014