Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Littérature autrichienne - Page 2

  • Quand l'heure viendra - Joseph Winkler

    quandl'heure.gifQuand l’heure viendra - Joseph Winkler - Traduit de l’Allemand par Bernard Banoun - Editions Verdier
    Un vrai choc de lecture, un roman à la fois lyrique, violent, sombre et ...magnifique.
    Joseph Winkler est un écrivain de la même lignée que Thomas Bernhard, natif d’un village de Carinthie région rurale, catholique et repliée sur elle-même.
    Cette chronique que l’on devine autobiographique est un condensé de la mémoire collective d’un village. C’est par les récits de son père qu’on accède aux histoires du villages, un père tout puissant incarnant l’ordre, l’autorité, le respect des traditions, l’obéissance aveugle à la religion et aux diktats de l’Eglise.

    Entrons, et parcourons les rues de ce village en forme de croix et allons à la rencontre des habitants qui l’ont peuplés pendant les trente dernières années.
    Le narrateur va tout à tour nous présenter 36 habitants de ce pays, 36 destinées frappées du sceau du pêché.
    Il entrecoupe ses histoires d’une tradition locale qui veut que les paysans fabrique un brouet d’os qui en été « a la propriété  repousser les insectes qui, les jours de canicule surtout, harcelaient les chevaux de trait dans les champs ».
    Cette jarre va servir à accueillir métaphoriquement tout le non dit, toutes les actions nauséabondes des villageois et sa présence revient comme un leitmotiv accompagnée par les Litanies de Satan de Baudelaire « Ô Satan, prends pitié de ma longue misère ! »
    Et les 36 récits nous livrent les haines, les peurs irrationnelles, les accidents, les maladies, les suicides, les crimes du villages.
    Une jeune fille affolée par ses premières règles au point de se jeter dans le torrent, une femme attendant le retour de son fils mort depuis 15 ans, Léopold et Jonathan dix sept ans et tué par leur amour illicite.
    Le silence qui s’abat sur tous. Les traditions étouffant toute révolte, la vie rythmée par les messes, les baptêmes, les enterrements.
    Le temps passe mais il reste au coeur des villageois le regret du temps de la guerre, de la toute puissance, du temps où l’on pouvait maudire l’étranger, le juif, le réprouvé.   

    Disons le, c’est un livre difficile, terrible mais un livre saisissant, d’une beauté puissante et funèbre.
    Si vous aimez la littérature de langue allemande faites connaissance avec Joseph Winkler dont on comprend bien à la lecture de ce livre, pourquoi ses concitoyen le déteste à l’égal de Thomas Bernhard.

    Quatrième de couverture

    Ecrit dans une langue flamboyante, traversé de scènes hallucinées, Quand l'heure viendra est l'un des sommets de l'œuvre de Josef Winkler : un triomphe de la mort qui saisit tout le tragique du vingtième siècle à travers le microcosme d'un village carinthien.

    winkler.jpgl'auteur

    Joseph Winkler est né en 1953 à Kamering en Carinthie. Fils de paysans catholiques, il brasse dans ses romans cette matière villageoise faite de secrets, d’interdits et de hontes farouchement camouflées. Il s’est rapidement acquis la réputation de trublion dans la littérature autrichienne. Sa langue même est une insurrection violente contre la chape de silence imposée par le consensus social. Auteur de récits et de romans, il a obtenu, entre autres, le prix Alfred Döblin et  le prestigieux prix Büchner.

  • Mes prix littéraires - Thomas Bernhard

    mesprixlitteraires.gifMes Prix littéraires - Thomas Bernhard - Traduit de l’Allemand par Daniel Mirsky - Editions Gallimard
    Féroce et réjouissant, drôle et méchant, sincère et mensonger, le livre étant tout petit il est bon de lui trouver une grande quantité de qualificatifs.
    J’ai lu et parfois aimé, mais pas toujours, Thomas Bernhard, je savais qu’il détestait son pays et que celui-ci le lui rendait bien mais j’étais loin de me douter qu’il a failli être enseveli sous les prix littéraires, parfois à des périodes difficiles de son existence « comme si je venais de tomber sans rémission dans un épouvantable puits sans fond. J’étais persuadé que l’erreur d’avoir placé tout mes espoirs dans la littérature allait m’étouffer »
    On découvre ainsi avec un brin de jalousie que nous ne sommes pas les seuls à cultiver les prix, nos voisins ne sont pas avares non plus. Et plus surprenant que chez nous, il arrive que ces prix soient donnés par d’improbables académies, fédérations industrielles, cercles et associations de tous poils.
    Parfois la récompense lui semble un peu iméritée « Le Président Hunger se leva, rejoignit l’estrade et proclama l’attribution à ma personne du prix Grillparzer. Il lut quelques phrases élogieuses au sujet de mon travail, non sans citer quelques titres de pièces dont j’étais censé être l’auteur, mais que je n’avais pas du tout écrites »
    Il fait ainsi de multiples voyages qui sont pour lui l’occasion de voyager au frais de la princesse littérature vers des villes qu’il n’aime pas « le Danube ne cessait de s’étrécir, le paysage ne cessait de s’embellir, avant de redevenir d’un seul coup morne et fade, et me voilà arrivé à Ratisbonne »
    Les cérémonies sont l’occasion pour lui de s’offrir un costume neuf ou une magnifique Triumph Herald et pour nous de faire connaissance avec sa tante/compagne qui l’accompagne partout.

     

    Herald.jpg

    Une Triumph Herald "la première voiture de ma vie, et quelle voiture ! "

    Thomas Bernhard fulmine, se moque, se répand dans son allocution en propos hargneux ou inintelligibles et lorsqu’il se voit traité d’« écrivaillon » par une ministre, il quitte simplement la salle  mais ...empoche le prix et en fait très bon usage.
    Vous me direz il y a un côté « je crache dans la soupe » oui mais c’est  avec un tel talent et un tel humour, les situations racontées sont tellement drôles ou tellement choquantes qu’on y résiste pas même si tous les récits ne se valent pas.

  • Le voyage dans le passé

    voyage dans le passé.gif

    Toujours un peu méfiante devant ces miraculeuses découvertes de textes jamais traduits, je me suis laissée attendrir parce que les mémoires de Stefan Zweig font partie de mes meilleures lectures de ces dernières années, je me suis laissée attendrir parce que la version allemande fait suite au texte français et que je savais du coup à qui l’offrir, j’ai placé ce livre sur une étagère et sa taille l’a fait disparaître temporairement au milieu d’autres volumes.

    Un thème archi rebattu, lui est pauvre et trouve à s’employer chez son mari à elle, un amour naît entre eux mais c’est un amour impossible, malgré les sentiments réciproques le respect des convention est le plus fort.
    Lui accepte un poste à l’étranger qui doit lui apporter réussite et fortune, les amants platoniques sont séparés par un océan puis par une guerre. Ils se retrouvent 9 ans après. Elle est veuve, lui est riche, marié.

    Avouez que la trame du récit est très ténue....et pourtant le miracle a lieu....
    Je viens de terminer ma lecture et je suis saisie par la beauté du texte, j’ai lu ce récit très lentement ce qui n’est pas mon habitude mais j’ai été tout de suite happée par la langue de Zweig, par ses phrases et ses mots simples  qui pourtant broient le coeur.

    Louis jeune homme brillant mais très pauvre est engagé par le Conseiller G, il tombe éperdument amoureux de l’épouse de celui-ci, l’amour de cette femme efface la colère et même la haine du jeune homme envers les nantis, la bienveillance amoureuse lui apporte confiance. Grâce à sa générosité à elle et à son talent il réussit professionnellement, il réussit si bien que le Conseiller lui propose un poste d’avenir au Mexique.
    L’amour restera chaste malgré la passion et les promesses de délices charnelles.
    Nos deux héros séparés d’abord par la distance, le sont par les 4 ans de guerre. Louis oublieux de son amour poursuit sa vie, se marie, réussit, s’enrichit.
    Neuf ans plus tard les anciens amoureux vont se revoir le temps d’un voyage en train, mais le temps à fait son oeuvre, l’amour à l’épreuve de l’exil et de l’absence n’a pas survécu, il s’est évanoui et il ne reste que l’ombre de l’amour avec une belle (même si elle n’est pas exacte) référence à Verlaine.

    Tout le talent de Zweig est dans son art de la suggestion, en quelques phrases il nous dit tout de la passion amoureuse à travers les regards, les gestes. Par petites touches, c’est ciselé, de la véritable dentelle tant cela est léger et précieux.
    On voudrait que le voyage en train ne finisse pas. On en oublie à quel point ce type de relation est aujourd’hui démodé tant on est ému par la justesse des sentiments, étreint par l’émotion.

    On retrouve les thèmes chers à Zweig, la passion amoureuse contrariée, l’usure des sentiments. Le thème de la guerre qui détruit tout, folie des hommes et il place les retrouvailles dans une ville déjà tentée par le nazisme, préfigurant la barbarie à venir. Enfin le thème du monde perdu, du Monde d’hier, livre de Stefan Zweig que je préfère.

    Le Livre : Le Voyage dans le passé - Stefan Zweig - Editions Grasset