Blog en pause faute d'envie et d'inspiration
A bientôt j'espère
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Blog en pause faute d'envie et d'inspiration
A bientôt j'espère
« Ce que j'ai connu, un homme ne devrait pas le connaître, ni même savoir que cela existe. »
Varlam Chalamov lors de son arrestation par le Guépéou
Varlam Chalamov c’est l’homme des Récits de la Kolyma, l’homme qui a résisté à deux condamnations, à la déportation et qui a passé 17 ans de sa vie au Goulag.
Un livre de poésie par un rescapé des camps du Goulag c’est à peine imaginable, comme peut l’être une poésie sur les camps de concentration. Pourtant Varlam Chalamov, après avoir vécu des horreurs, avait déjà dit toute sa passion pour les livres et la lecture, dans un livre qui m’avait profondément touchée.
« les livres, c’est un monde qui ne nous trahit jamais »
Infirmerie d'un camp du Goulag
Ici c’est le versant poésie qu’offre l’éditeur Maurice Nadeau dans une présentation parfaite et un livre d’une très belle qualité.
« Nous lisons des milliers de pages imprimées qui ne méritent pas tout ce temps perdu » c'est une peu ce que dit Montaigne. Mais il y a les autres pages, ces milliers de pages indispensables. J’ai juste ouvert son Cahier de la Kolyma et son recueil de poèmes.
Vers Magadan
C’est un recueil magnifique qui, je n’ai pas honte de le dire, m’a fait monter les larmes aux yeux à plusieurs reprises. Mon rayon russe vient de s’agrandir d'un livre précieux.
Immédiatement on sent poindre une foi dans les poèmes, Chalamov est fils de prêtre orthodoxe, il ne croit pas en Dieu mais fait preuve d’une foi totale dans la vie alors qu’il travaille par des températures de moins cinquante dans une région où il y a « douze mois d'hiver, le reste, c'est l'été. »
A cela il faut ajouter la faim, l’épuisement, la peur de la délation, la dureté du travail et la mort qui rôde en permanence.
Pêche sur la glace de la Vologda
La poésie est un recours mais « Les conditions du grand Nord excluent la possibilité d'écrire et de conserver des récits et des poèmes - à supposer qu'on veuille le faire. » Ce n’est que tardivement qu’il parvient à écrire ses poèmes « sur les revers et les pages de garde de pharmacopées, sur des feuilles de papier d'emballage, sur des sachets. »
Son écriture dans les récits de la Kolyma était dépouillée, sobre, précise et l’on retrouve ces qualités dans ses poèmes avec « une inclination pour le naturel et le concret » dit son traducteur.
Il est une voix de la souffrance des hommes
« Et je gémissais sous les tenailles du froid
Qui m'avaient arraché ongles et chair
Je brisais mes larmes avec la main
Non, ce n'était pas un rêve. »
« Je suis un petit jalon de la vie,
Un bâton enfoncé dans la neige,
Une voix que l'écho a égarée
Dans les glaces de ce siècle. »
Chalamov évoque les hommes de la Vieille Foi, ceux qui s'opposaient aux réformes religieuses ceux que Peskov rend si vivants dans Ermite dans la Taïga.
Vieux Croyants
« Chaque soir dans la surprise
de me savoir vivant,
Je me disais des poèmes »
Il vénère la poésie « Tu conduis mon âme »
« C'est ma force contre l'indifférence
C'est, dans l'hiver
ma forteresse bâtie. »
Il vit dans un monde de glace et dans un lieu de mort, mail il parvient à s’émerveiller devant la nature.
« C'est que j'aime toujours à l'aube
Plus pure qu'une aquarelle,
le reflet laiton de la lune
Et le trille des alouettes. »
Des poèmes de résistance avec une volonté absolue de remercier la vie.
Il y a là la même force que dans Les Récits de la Kolyma mais avec sans doute un peu plus de douceur et d’espoir.
Il se raccroche à des riens au plaisir si fugace de l’instant.
Monument à la mémoire de Chalamov à Moscou
La poésie l’a sans doute aidé à supporté la venue probable de la mort « Je vais sans peur dans les ténèbres » et quand la vie devient trop dure il nous dit malgré tout « Il me fallait choisir entre la vie et la poésie et me prononcer (toujours !) pour la vie ».
Philippe Jaccottet disait de lui qu’il était celui qui était revenu « du dernier cercle de l’enfer »
Chalamov est mort seul abandonné mais ses poèmes ont résisté au temps.
Sa voix se fera toujours entendre comme celle de Mandelstam, de Soljenitsyne, parce ces voix sont la voix de la Russie, de la poésie et de l’amour de la liberté .
Le livre : Cahiers de la Kolyma et autres poèmes - Varlam Chalamov - Traduit par Christian Mouze - Editions Maurice Nadeau