Portraits de femmes
C’est moins l’envie d’obéir à la mode des récits nordiques que le plaisir de retrouver une vieille connaissance qui m’a fait lire Cent ans. Herbjørg Wassmo est un écrivain très attachant, le Livre de Dina et la Véranda aveugle sont d’excellents souvenirs de lecture.
La retrouver sur le deuxième versant de sa vie était une tentation à laquelle je n’ai pas résisté.
Comme dans ses autres romans les femmes ici ont la part belle, et même plus que belle puisque quatre d’entre elles animent tout le récit. Quatre femmes qui dessinent l’arbre généalogique de l’auteur. Un arbre généalogique vrai ou parfois rêvé, mais qu’importe. Nous allons donc de sa mère à son arrière grand-mère, ou dans l’autre sens de 1860 à 1960.
Quatre portraits de femmes et celui d’une région, un pays au nord du nord, une région dure, désolée, l’archipel des Lofoten, le Nordland objet de déconsidération par les Norvégiens du sud, dont on moque l’accent et le parler.
Vue panoramique du fjord Bas, un paysage typique des îles Lofoten.
Par ordre de préséance voyons d’abord Sara Susanne, dotée d’un beau tempérament elle épouse Johannes Krog, un peu par obligation, un peu aussi parce que, bien qu’atteint d’un fort bégaiement, il est capable de sensualité et Sara elle a « un appétit scandaleux »
Avec elle vous vivrez la dure vie des femmes de pêcheurs, vous connaîtrez les jours de disette et ceux de pêche miraculeuse, les grossesses qui se succèdent, les bouches à nourrir. Mais sur cet archipel fouetté par les vents il y a des moments de pur bonheur comme ces séances de pose auprès du Pasteur parce que Sara sert de modèle à l’ange du retable de l’église des Lofoten « Elle rayonnait comme si Dieu en personne lui avait attribué le rôle de l’ange. »
Tenaillée par l’envie de prendre son envol elle va transformer à jamais les veillées de toute la famille, des voisins, des domestiques le jour où ouvrant un livre elle prend la parole.« les mots trouvaient leur voie dans la pièce comme les ruisseaux d’un lac de montagne débordant. Et elle entra au coeur du sujet »
Viendra ensuite Elida, fille de Sara, celle qui regimbe, qui se marie contre l’avis de sa mère, qui va voir aussi les enfants arriver plus vite que nécessaire et voir Frederik son amant, son époux, son ami, tomber malade. Frederik qui ne peut être soigner qu’à condition de partir à Kristiania la capitale.
Kristiania au XIX ème siècle, aujourd'hui Oslo
Elida va prendre la plus difficile des décision « Elle partirait avec lui pour Kristiana. Plus elle y pensait, plus l’idée lui plaisait. Car n’était ce pas ce dont elle avait toujours rêvé ? S’évader »
Vite on vend la vache, mais il n’est pas question d’emmener la trop nombreuse famille et certains des enfants devront rester, placés, abandonnés.....
Hjørdis la mère de l’auteur, celle qui placée à 2 ans ne fera connaissance avec sa famille qu’à 6 ans, ce qui ne l’empêche pas de revenir vers le Nordland de son enfance une fois adulte.
Je vous laisse découvrir la dernière femme, Herbjørg et la naissance de son goût pour l’écriture grâce à ses petits carnets jaunes cachés sous le plancher de l’étable.
Un vaste tableau brossé que ces quatre portraits de femmes. Découvrez leur soif de liberté, leur inquiétude devant les sacrifices à consentir, leur peur face à la violence qui souvent leur est faite.
L’alternance entre les différentes histoires et les différentes époques rythme très heureusement le récit.
J’ai retrouvé dans ce roman tout l’art d’ Herbjørg Wassmo qui donner chair et vie à ses personnages, qu’elle sait nous rendre très proches. Un roman attachant qui vous lie pour longtemps à ces quatre destins de femmes.
L’avis de Lettres exprès et celui de La Ruelle bleue et de Margotte ou alors la balade touristique de Theoma
Le livre : Cent ans - Herbjørg Wassmo - Traduit du norvégien par Luce Hinsch - Editions Gaïa
L’auteur
Herbjørg Wassmo est l’auteur d’une œuvre considérable, des livres pour enfants à l’écriture théâtrale en passant par la poésie. Œuvre inscrite aux programmes scolaires et universitaires, et qui, traduite en de nombreuses langues, connaît un succès populaire exceptionnel. Elle est, en Scandinavie, l’écrivain mondial le plus lu, et Dina a pris place aux côtés des grandes héroïnes de la littérature.(source l’éditeur)
photo : Rolf M. Aagaard
Commentaires
Tu confirmes tout le bien que j'ai déjà lu sur ce roman. Il est bien noté, je le prendrai à la bibliothèque, sans urgence.
@ Aifelle : c'est un livre au récit très attachant qui n'a rien à voir avec l'effet mode nordique, comme toujours Wassmo peint très bien les femmes
Jolie façon de parler de soi que de présenter ou d'imaginer son arbre généalogique ainsi!
@ mango : impossible de savoir quelle est la part du vrai et la part du roman mais qu'importe
Mon dernier coup de coeur ! Merci pour le lien et pour les photos qui donnent envie de s'embarquer pour les Lofoten.
@ Kathel : pour la balade aux Lofoten c'est chez Theoma qu'il faut aller j'ai ajouté un lien
Très tentant, seulement je n'ai toujours pas lu le premier tome du "livre de dinah" (dans ma pal depuis un bail), je me dis qu'il faudrait quand même que je commence par là pour découvrir l'auteur...
@ Hélène : je crois que l'ordre entre celui ci et Dina n'a pas d'importance, on retrouve dans les deux l'art de H Wassmo , la trilogie est excellente et j'en garde un excellent souvenir
Bonjour Dominique, j'ai lu les deux premières trilogies (le livre de Dina et la véranda aveugle aux éditions Gaïa quand elles sont sorties. J'avais trouvé cela sympa, facile à lire (ce qui ne veut pas dire mal écrit), un bon moment de détente.
Claude
@ Claude : je trouve que l'auteure parvient à écrire sur la conditon féminine et son pays avec profondeur sans jamais rendre le récit difficile à suivre, la vraie bonne littérature populaire dans le sens où elle s'adresse à tous et peu tous nous intéresser
Un premier commentaire ayant pris la clé des fjords, ce second essai.
Pour regretter une déception. Celle résultant de la lecture du dernier Camilla Läckberg : "L'Enfant allemand" (ACTES SUD).
Page après page, ce roman fond comme glace en mains. A la fin, ne reste qu'une goutte de désillusion.
@ JEA : c'est le syndrome nordique qui frappe, la série des camilla Lackberg s'épuise il est difficile de faire vivre un héros récurrent sur plusieurs livres, il faut se renouveller j'ai aimé le 1er, un peu moins le second et j'ai arrêté là
Je ne verrai très probablement jamais
Ni la mer ni les tombes de Lofoten
Et pourtant c'est en moi comme si j'aimais
Ce lointain coin de terre et toute sa peine
(extrait d'un poème de O.V. de L. Milosz "Tous les morts sont ivres)
J'ai adoré le livre de Dina et espère lire celui-là qui m'a l'air de la même qualité. Et j'irai voir les îles Lofoten auxquelles tes photos nous permettent de rêver...
@ nadejda : j'ai pris autant de plaisir à celui là qu'à Dina, ce livre ci est plus ramassé mais H Wassmo sait à merveille établir un pont entres les années et les personnages
J'ai lu plusieurs billets sur cet auteur : ne connaissant pas trop la littérature nordique mais aimant les portraits de femme... Je me laisserai bien tenter par celui-ci !
@ Maggie : si tu n'a jamais lu tu peux prendre n'importe lequel de ses livres car les femmes y sont toujours mises en avant
J'avais été enthousiasmée par les premiers livres de Wassmo (Dina, La véranda aveugle,...), aussi j'ai bien sûr acheté celui-là pour la médiathèque et me suis promis de le lire (quand... je ne sais pas...)
@ cathe : tes lecteurs vont appréciés j'en suis sûre
Je le veux !!! Aaaaaah ! les îles lofoten ! un des plus beaux paysage qu'il m'ait été donné de voir !
@ Theoma : je viens de mettre un lien pour qu'on puisse aller faire un peu de tourisme chez toi
Je l'ai terminé. Magnifique ...
Sara Susanne m'a particulièrement touchée !
@ Clara : c'est le personnage le plus fort et j'ai vraiment aimé tout ce qui la concerne, je suis restée volontairement un peu floue pour ne pas tout dévoiler
@Dominique : je vois que nous avons encore un goût en commun, avec Zola ;-)...
Quelle romancière ! Je relirais bien la trilogie de Dina. Bonne semaine à toi
Je ne regrette pas de l'avoir dans ma PAL avec les avis positifs que je lis. Je suis sensible aux portraits de femmes, aussi ce que tu en dis m'intéresse beaucoup.
@ Lou : je pense que beaucoup des bibliothèques vont l'acheter
J'ai failli le prendre à la bibliothèque l'autre jour ,je l'ai reposé pour prendre autre chose afin de continuer mes lectures sur Haussmann et Paris
J'espère qu'il sera dispo mercredi
@ autourdupuits : un billet sur haussman en préparation ? bon sujet, depuis ma lecture de Zola cela m'intéresse
J'espère le trouver en bibli, mais rien ne presse. j'ai lu La septième rencontre, mais trouvé un peu "bricolé" ces deux destins, j'aurais plutôt vu deux romans au lieu d'un.
@ Keisha : j'ai aperçu ce titre là sur les blogs mais je n'ai pas lu, dans Cent ans je n'ai à aucun moment eu l'impression d'artifice d'écriture, le récit bien qu'alternant les personnages et les époques conserve une belle unité
Je connais très mal la littérature nordique. J'ai lu une fois un livre dans ce style et j'ai beaucoup aimé. Je note ce livre, je sais qu'il va me plaire.
@ Dimitri : elle décrit très bien son pays de froid, de brumes, de traditions dures pour les femmes
Ton billet est si alléchant que j'ai tout de suite cherché et, oui, il est traduit en español...pas résisté....je l'ai commandé.
J'ignore tout de la littérature norvégienne...honte à moi!!??
@ Colo : lire la nordique Wassmo en espagnol, ben oui c'est normal, mais à moi ça me fait l'effet de transpirer assise sur de la glace :-)
Ah, c'est rigolo comme idée!
Tu crois que Don Quichotte gèle en norvégien? :))
Ton blog a retrouvé la paix après la tempête, ouf, j'imagine bien ta colère et je me réjouis de la belle alliance antiplagiat qui a porté ses fruits. Te voilà plus sereine dans tes sauts et gambades, j'imagine.
Herbjørg Wassmo était une inconnue pour moi avant de te lire. Je note, bien sûr, les titres que tu as aimés en plus de celui-ci.
@ Tania : c'est une auteure déjà ancienne pour moi, je l'avais découverte par les éditions gaïa qui a l'époque publiait avec un extraordinaire papier rose !
je suis friande de littérature étrangère donc ma curiosité avait été titillée, j'ai aimé cette auteure dès le début, la série Dina et la Véranda aveugle sont excellents et celui ci, d'après Keisha peut être laisser de côté pour le moment la septième rencontre,
Tu dois la trouver sans problème en poche et en bibliothèque
J'étais déjà tenté avant de te lire, mais il faudrait que je prenne au premier volume.
@ Yv : elle a plusieurs trilogie donc là oui attention, celui ci par contre peut se lire seul sans problème
Je connais cette auteure pour le Livre de Dina. Cela me tente bien de la lire à nouveau dans l'ouvrage que tu nous proposes !
@ Claire-Lise : si tu as aimé Dina, Sara Suzanne va te plaire, un beau portrait de femme
Tu es terriblement convaincante mais en même temps, je me demande si le monde des pécheurs etc pourra me séduire. J'essaierai quand même de le lire à l'occasion.
@ Manu : je te rassure on ne navigue pas beaucoup l'essentiel se passe à l'intérieur des maisons donc pas de mal de mer :-)
Oui, une formidable découverte pour moi ! Un roman à la fois très intime et une grande fresque. Très très beau. Je suis allée voir des photos de cette région après la lecture...
@ Krol : je partage totalement votre avis, je vais profiter de ce commentaire pour aller faire un tour sur votre blog à bientôt donc