L'auteur Alexandre Papadiamantis
Vers la Grèce
Au club lecture de la médiathèque j’ai la chance d’avoir fait connaissance avec une lectrice férue de littérature grecque, traductrice en plus. C’est elle qui m’a soufflé le titre de ce roman.
Ce n’est pas du tout un livre récent, écrit en 1903 il n’a pas pris une ride.
Dans ce dix-neuvième siècle finissant en Grèce, naître fille était un grand malheur, une vie promise au travail incessant et parfois aux coups du père, du mari. Un drame pour la famille qui se devait de réunir une dot et par là sacrifier un champs, une oliveraie.
Trouver un époux avait un prix et plus la fille était laide plus le prix atteignait des sommets.
Une société dominée par les hommes
Voilà la famille de Yannou, sa fille s’est mariée à un homme dont il y aurait beaucoup à dire et elle va accoucher, deux de ses fils ont quitté le nid pour un avenir en Amérique. « A mesure que la famille s’était accrue, les amertumes s’étaient multipliées » l
Denier problème en date, la naissance d’une petite fille dont la santé est chancelante, Yannou la veille, les heures passent et Yannou se revoit jeune femme, elle prend conscience de n’avoir jamais vécu autre chose que la servitude « domestique de ses parents. Une fois mariée, elle est devenue l’esclave de son mari ».
Elle ne peut se résoudre à laisser cette enfant vivre la même chose, elle veut faire une bonne action, lui éviter de souffrir.
Elle qui sait soigner, qui connait les herbes qui font du bien, elle divague « Mon Dieu, pourquoi faut-il que celle-là soit venue au monde ? » elle s’interroge « Mon Dieu, pourquoi faut-il que celle-là soit venue au monde ? »
De machine à faire les enfants elle devient la force du destin.
L'oeuvre au théâtre
La mort de petite fille passe pour un accident mais Yannou se laisse emporter par la violence, la frustration, et les actes de mort se multiplient finissant par alerter les autorités.
Une longue traque va commencer sur cette terre aride, la culpabilité ronge Yannou mais ne l’empêche pas d’être certaine que « Le plus grand cadeau serait d’avoir à leur donner, pardon mon Dieu ! L’herbe à rendre stérile »
Elle apparait monstrueuse elle qui est sûre d’avoir agit par charité et qui se réjouit car la dot n’aura coûté qu’un linceul !! Elle est le bras armé de Dieu.
Un roman à la fois moderne par l’oeil qu’il porte sur la condition féminine mais un drame antique pas sa violence et son côté inéluctable. Faire le mal par devoir est ce encore faire le mal ? Le roman flirte avec le questionnement de Dostoïevski dans les Frères Karamzov.
Court, dense, très réussi, c’est l’occasion de découvrir cet écrivain parfaitement ignoré en France.
Le livre : Les petites filles et la mort - Alexandre Papadiamantis - Traduit par Michel Saunier - Edition Actes Sud Babel
Commentaires
j'ai beaucoup aimé ce livre. Tes illustrations sont très intéressantes (comme d'habitude)
@ miriam : un livre passionnant, d'actualité alors qu'il date
Brrrrrrrr ... ce qui fait le plus froid dans le dos, c'est de penser que c'est toujours d'actualité dans trop de pays. Je n'ai pas très envie de ce genre de lecture en ce moment.
@ Aifelle : un livre dur mais tellement saisissant de vérité
"Parfaitement ignoré", en tout cas, je n'en avais jamais entendu parler ! La littérature grecque non plus, je ne connais pas, ou très peu. Donc, je note ce titre et peut-être que tu nous en présenteras d'autres, recommandés par ton amie de la médiathèque ? (une traductrice est forcément de très bon conseil, je pense ...)
@ Athalie : je sais que Michèle en a encore dans sa manche, c'est une belle incursion dans une littérature que comme toi je connais assez mal
Hum, encore une lecture intéressante, mais inconnue!!!!
@ Keisha : pas étonnant, un livre et un auteur un peu confidentiels
La longue histoire du féminicide n'en finit pas ! Ta lecture enthousiaste m'incitera sans doute à découvrir ce roman grec.
@ Tania : si le sujet t'intéresse le livre va te passionner
Je note ce livre. Le portrait de Papadiamantis est très beau. La tragédie que relate ce roman n'est malheureusement pas à reléguer dans le passé. Merci pour la découverte
@ nadejda : la femme dans bien des pays est encore une bête de somme !!
Merci pour ce coup de projecteur pour un livre qui le mérite amplement; je l'ai trouvé d'occasion à qqs centimes chez Gibert...sa lecture m'avait stupéfiée par son sujet autant que pas son style....merci pour cet élargissement du champ que tu pratiques avec brio: rapprochement avec Dostoievski, questionnement sur la place de ce roman dans l'histoire de la littérature...
à bientôt
@ Mineck : il faut dire que ce roman s'y prête, j'ai eu l'occasion longtemps de travailler sur l'éthique, il est évident que de tels livres viennent remuer nos avis tous faits, nos certitudes et nos interrogations
il fait peur ce roman, peur mais envie car tu sembles avoir été bien dans cette lecture ..et puis un auteur qu'on ne connaît pas ça fait toujours plaisir à découvrir.
Luocine
PS que les Grecs aient le sens du tragiqu eça n em'étonne qu'à moitié!
@ Luocine : Peur oui effectivement mais le sujet est traité de telle façon que l'on est comme l'auteur en somme pris entre la cause défendue par Yannou avec des moyens inadmissibles et le laisser faire d'une population qui se soucie des femmes comme d'une guigne, tu passes en permanences de la colère à l'effroi mais cela n'est pas du tout démoralisant
En effet, Dominique, ce livre semble bien intéressant (et sa couverture est splendide) !
@ Annie : couverture à l'antique !
Même en Grèce, Papadiamantisa été boudé, en raison de son style très classique. A la traduction, ce classicisme ne se sent pas et j'ai trouvé, au contraire, sa plume extraordinairement moderne (dans l'ïle d'Ouranitsa).
@ Gwenaëlle : le style est d'une belle simplicité; si c'est ce que les critiques lui reprochaient c'est à désespérer de la littérature
Bonjour Dominique, je fais partie de ceux qui ne connaissent pas cet écrivain et c'est bien dommage en lisant ton billet. Je note le titre. Bonne après-midi.
@ Dasola : à découvrir
C'est un livre que j'ai lu quand je suis partie à Athènes, une histoire terrible! Tu as raison de dire que c'est digne d'une tragédie antique.
@ Claudialucia : tu as fait un billet ?
Non je n'ai pas fait de billet mais j'en avais fait un sur de les nouvelles grecques et il y en avait trois très belles et terribles de Papadiamantis.
http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/2011/07/nouvelels-grecques-alexandros.html
@ Claudialucia : merci pour le lien car ce billet m'avait totalement échappé
Un roman basé sur une réalité terrible, il a l'air en effet fort intéressant. Je vais le chercher, merci Dominique.
@ Colo : A chercher d'occasion mais je crois qu'il est encore dispo en poche
Ouh la, le sujet n'est pas plus faciles... si je comprends bien, je devrais pouvoir le trouver en bibliothèque !
@ Kathel : à la part Dieu sans problème ce n'est pas un livre qu'on s'arrache
Sur le plan des idées, la morale doit-elle accepter le crime "utile" ? On rejoint la question de "Crimes et châtiments" abordé dans "Maudit soit Dostoïevski" (Atiq Rahimi).
Intéressant de souligner qu'il s'agit d'un auteur masculin qui évoque la condition féminine.
À part Kazantzakis, j'ai lu peu peu d'auteurs grecs modernes.
@ Christw : et moi je n'ai pas lu ce livre là de Rahimi
Que ce soit un homme est à la fois la confirmation de la place de la femme et en même temps un bel hommage
111 ans plus tard, dans beaucoup d'endroits au monde, la condition des femmes est toujours la même, malheureusement, mais gardons espoir que cela change doucement mais sûrement ! De qui est le portrait du peintre, le sais-tu ? Il me semble reconnaître l’œuvre du lyonnais Janmot sur la couverture... Merci Dominique, belle journée. brigitte
@ Plumes d'Anges : pour le portrait si tu cliques sur l'image tu trouveras le site où je l'ai emprunté mais ....il est en grec et je n'ai pas fait la traduction dont j'ignore l'auteur de ce portait très beau
oups! un petit lien
http://miriampanigel.blog.lemonde.fr/2013/09/30/alexandre-papadiamantis-les-petites-filles-et-la-mort/
@ miriam : merci pour le lien
Je le note ( tu es terrible) !
@ Clara : comment ça terrible ?
magnifique livre tres poetique
qui decrit bien la societe archaique
est ce que cela se pass sur l ile de Karpathos?
quelqu un le sait il?
merci
@ daria : oui un roman magnifique
d'après mes recherches il se passe sur l'île d'Ouranitsa
Tiens, tiens comme on se retrouve, D. ! Je viens de terminer ce livre et je regrette de ne plus pouvoir aller aux rencontres de la médiathèque cette année pour échanger avec toi à son propos ! J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre même s'il est très dur... On m'a conseillé une tripotée d'auteurs grecs au boulot et j'aurais bien aimé recouper ces avis avec ceux de M. notamment...