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  • Dis moi ce que tu lis

    Leiloona est venue me faire une proposition du genre " dis moi ce que tu lis " voilà les réponses, à vous d'en tirer les conclusions que vous voulez

    A quel livre dois-tu ton premier souvenir de lecture  ?
    richardpierre2.jpgBizarrement j’ai deux souvenirs et je suis incapable de dire lequel est premier, tous les deux à 7 ans

    Le premier c’est  Sans famille et j’ai longtemps pensé à Rémi lorsqu’il y avait des crêpes au menu et le second c’est l’Expédition au Pôle d’Amundsen et Scott , une lecture faite en plein mois d’août en Provence où je sentais jusque dans mes pieds le froid de la banquise. 

    Quel est le chef-d'œuvre "officiel" qui te gonfle ?
    Ulysse
    de Joyce, pour être exacte ce n’est pas qu’il me gonfle c’est que je suis énervée de n’être jamais allée au bout

    ce livre me décourage, je l’abandonne, puis je lis un article ou quelques lignes de quelqu’un que j’apprécie et qui l’encense alors...j’y retourne mais je m’arrête à nouveau !

    Quel classique absolu n'as-tu jamais lu ?
    Ulysse
    de Joyce ! mais il y en a d’autres bien sûr, les Affinités électives de Goethe par exemple et plusieurs titres des Rougon Macquart de Zola, quelques Balzac aussi

    Quel est le livre, unanimement jugé mauvais, que tu as "honte" d'aimer ?
    la dame aux oeillets.jpgJe prends un joker, unanimement jugé mauvais pour qui ?  Et non je n’ai pas honte

    J’aime la bonne littérature mais j’aime aussi des romans populaires, faciles et qui me mettent à certains moment le coeur en joie, rien à voir avec la qualité d’écriture et tout à voir avec mon humeur
    Quelques exemples  La Montagne est jeune d’Han Suyin  ou encore le romantisme ringard de La Dame aux oeillets de Cronin ou Exodus de Léon Uris

    Quel est le livre que tu as le sentiment d'être la seule à aimer ?
    Celui que je viens de terminer et dont je n’ai encore parlé à personne, parfois j’attends longtemps avant de parler d’un livre qui m’a profondément touché car c’est un peu de soi que l’on partage

    Quel livre aimerais-tu faire découvrir au monde entier ?
    Montaigne-Dumonstier.jpgLes Essais de Montaigne, pour moi le plus grand livre en langue française surtout depuis qu’il est accessible en français modernisé, le livre qui peut être a eu le plus d’influence sur moi et auquel je retourne très régulièrement

    Quel livre ferais-tu lire à ton pire ennemi pour le torturer ?
    Allez soyons vraiment méchant : tout Amélie Nothomb


    Quel livre pourrais-tu lire et relire ?
    Il y en a beaucoup, j’intercale pas mal de relecture au milieu des nouveaux livres.

    Forcément un classique : Les Misérables, Du côté de chez Swann,  Anna Karénine par exemple

    Quel livre faut-il lire pour y découvrir un aspect essentiel de ta personnalité ?  
    Montaigne
    sans aucun doute


    Quel livre t'a fait verser tes plus grosses larmes ?
    Le Journal d’Anne Franck, lu vers 12 ans je me souviens d’avoir pleuré longtemps et plus près dans le temps Si c’est un homme de Primo Levi

    Quel livre t'a procuré ta plus forte émotion érotique ?
    autant-en-emporte-le-vent-1939-01-g.jpgAutant en emporte le vent
    , lu très tôt vers 12 ans je me souviens d’avoir lu et relu la scène TORRIDE où Rhett Butler emporte Scarlett dans ses bras , à 12 ans il en faut assez peu pour fantasmer

    Quel livre emporterais-tu sur une île déserte ? 
    On va dire que Montaigne a disparu dans le naufrage, alors qu’est ce qui reste ? Proust inévitablement, toute la Recherche en éditions Quarto c’est lourd mais pratique

    Une deuxième idée qui m’a été suggérée par un proche : Guerre et Paix en russe + un dictionnaire franco-russe , de quoi occuper quelques semaines

    De quel livre attends-tu la parution avec la plus grande impatience ?
    Celui que je vais découvrir et que je garderai pour moi quelque temps

    Quel est selon toi le film adapté d'un livre le plus réussi ? 
    Autant en emporte le vent
    meilleur que le roman et  Impossible de relire le livre sans penser à Clark Gable et Vivian Leigh

     

     

  • Le dernier amour de George Sand - Evelyne Bloch-Dano

    Troisième biographie d’Evelyne Bloch-Dano, décidément c’est un plaisir de la retrouver elle et ses personnages. Après Mme Zola et Mme Proust voilà George Sand.

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    La Révolution de 1848 a échoué, elle qui a tant fait rêver George Sand en bonne républicaine, il lui faut quitter Paris et se réfugier à Nohant pour oublier sa déconvenue. Les temps sont difficiles, les relations avec sa fille sont mauvaises, ses finances ne sont pas au beau fixe, Chopin est mort il y a peu.

    A Nohant elle retrouve son fils Maurice et deux de ses amis, un bel et fringant allemand mais c’est au petit et chétif Alexandre Manceau que va finalement aller son attention. 

     

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    C’est un manuel, graveur de son état, un homme les pieds sur terre mais le coeur tout à George. On est loin de Musset et Chopin des bêtes de concours mais d’un égoïsme et d’une exigence qui font souffrir,  Alexandre lui c’est l’amour fou sans contre-partie.

    On a même failli ne pas savoir grand-chose de cet amour  car la correspondance a disparu, brûlée par Maurice un rien jaloux de l’amour de sa mère, 

    Un bel amour désintéressé à l’heure où George sent sa santé l’abandonner un peu, l’heure où elle peut craindre de moins plaire. 

    Etrange homme que Manceaux, fier, au service de son aimée dans tous les moments de sa vie, le voilà metteur en scène de théâtre, jardinier pour lui plaire, lecteur, infirmier, confident de tous les instants.

     

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    Avec ses amants précédents George Sand a joué souvent à la mère-amante, ici rien de tel, le dévouement d’Alexandre Manceau est total, il s’efface derrière l’auteur, jamais il ne se pose en rival, c’est le valeureux chevalier servant tout à sa dame, George dit de lui  « Il est ma force et ma vie. »

     

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    Il faut croire qu’il remplit parfaitement son rôle car les quinze ans que dura l’idylle furent une période particulièrement féconde pour l’écrivain, pièces de théâtre, romans s’enchainent.

    C’est biographie est l’occasion de retrouver George Sand en sa demeure, Nohant est très présent dans ce livre. On la voit entourée de ses amis, on y entend ses combats en particulier pour les opposants à Louis Napoléon Bonaparte qu’elle défend bec et ongles. On y voit l’écrivain devenir grand-mère et ainsi par amour « conjuguer le printemps à l’automne… » et se voir pour la première fois offrir un havre d’amour à Gargilesse. 

     

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              Gargilesse Retrouver d'autres photos sur le site de R Camus ©

     

    Elle qui avait quitté Chopin peu de temps avant sa mort, la voilà au chevet d’Alexandre atteint lui aussi de phtisie. Lui qui fut toujours au service de son aimée  « qui a vécu en se dévouant souffre de se sentir inutile et vit sa fragilité comme une déchéance. » 

     

    Une belle biographie qui sert très bien l’écrivain et son amour dévoué et fidèle que George honorât après sa mort en intitulant un de ses romans: Le Dernier amour 

     

    C'est à Claudialucia que je dois cette lecture, ses nombreux billets ont réveillé ma curiosité pour George Sand 

     

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     Le livre : Le dernier amour de George Sand - Evelyne Bloch-Dano - Editions Grasset et Le livre de poche

     

     

  • Cézanne Des toits rouges sur la mer bleue - Marie-Hèlene Lafon

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    Bibémus : j’ai dit dans ma chronique précédente que cela m’évoquait Giono et la Provence.
    Marie Hélène Lafon nous invite dans la Provence de Cézanne, de Zola et de Giono.

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    Elle a manifestement un attachement particulier pour le peintre et cet attachement a accouché d’un petit livre, il n’est ni une bio, ni un essai sur la peinture, c’est plutôt le livre d’une amitié, une rencontre entre peinture et littérature.


    Le titre ? ce sont les mots de Cézanne « Des toits rouges sur la mer bleue ».

    L’auteure a quelques craintes, elle décide d’ouvrir un « chantier » rassembler la documentation, les lettres, les écrits.
    Elle va affronter un monument de la peinture, un véritable colosse.

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    Elle se sent écrasée par ses prédécesseurs, ceux qui ont écrit sur Cézanne et non des moindre : Ramuz, Rilke, Juliet, Handke bien entendu « C’est écrasant et j’ai une longue expérience de cette sensation d’écrasement culturel, qui ne m’empêche toutefois pas de faire ce que je crois avoir à faire »

    Délaissant son Cantal natal, MH Lafon va trainer ses guêtres à Auvers-sur-Oise, à Aix-en-Provence, à Marseille.

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    La maison du pendu à Auvers-sur-oise – Paul Cézanne

    Comment parler de cet homme qui a consacré son existence à la peinture, cet homme qui disait la nécessité d’« Aller au paysage » ce qui est une formule magnifique, l’auteure dit que c’est un peu comme « aller au combat ».
    Un combat toujours perdu, et une œuvre toujours recommencée.

     

    Sous la plume de MH Lafon, Cézanne reste le bonhomme bourru, un rien violent, parfois carrément hargneux.
    Elle aime le chercher à travers les lieux, les paysages :
    Le Jas de Bouffan ou l’atelier des Lauves dans lequel une fente fut pratiquée pour permettre de faire passer la toile des Baigneuses.
    Marseille ou Auvers-sur-Oise où il peignit sans trêve.

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    J’ai le souvenir d’une expo magnifique au Grand Palais à Paris en 2011
    J’étais restée plantée devant certaines toiles, bien entendu les plus petites ce qui dans une foule est un combat toujours perdu.


    J’aurais voulu avoir les mots de MH Lafon qui fait parler les tableaux

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    « Je suis plantée devant le Sous-bois, au Louvre, salle Mollien, et je suis dans le bois, sous les arbres, traversée de lumière pâle. L'air est tiède, c'est un matin d'été caressant et parfait. Le vent bleu court dans les branches basses, le remuement des feuilles est tissé de pépiements d'oiseaux furtifs. Tout fait présence, le silence est habité, on arrête de marcher pour que cesse le vacarme des pas et du sang sous la peau. On sort de soi pour faire corps avec la merveille. »

    Pour parler de l’homme, elle choisit de faire parler ses proches, Blanche sa mère en premier lieu, Paul est son préféré, elle s’inquiète de l’avenir pour cet enfant qui choisit un chemin rude et incertain « songe à l’avenir, on meurt avec du génie et l’on mange avec de l’argent » mais toujours encourageante et soutien de son fils.

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    Elle fait aussi parler le père, Louis-Auguste  si souvent blâmé mais pour qui me semble elle n’est pas aussi sévère que beaucoup car après tout il a plus ou moins toujours fournit des subsides à son fils et était profondément désemparé devant le refus de ce fils de choisir une vie toute tracée. Il finit malgré tout par accepter le choix de Paul et même son mariage avec Hortense l’éternelle invisible.

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    Vous rencontrerez le Docteur Gachet si important pour les impressionnistes, Pissarro son ami.
    Elle nous livre même le jardinier, assis sous le tilleul des Lauves, à côté d’un Cézanne vieillissant.

    Elle sait parler de lui, de ses toiles, de sa peinture, parfois même avec une sorte d’urgence qui donne un rythme haletant au récit qui m’a parfois décontenancé.
    J’ai aimé que son imagination l’emporte vers Giono et ses personnages.

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    Lisez cet exercice d’admiration, fruit de trente années de compagnonnage et qui tente de nous communiquer les rêves du peintre, sa vie intime, ses obsessions, sa passion pour sa Montagne « sainte et carabinée, en majesté et en puissance ».
    Pour conclure ainsi : « On ne saisit pas Cézanne, on ne l'épuise pas, il résiste, on l'effleure, il glisse, il disparaît dans le sous-bois. On l'espère. On l'attend. »

    Vous avez visité ses maisons il est tant de connaître le bonhomme.

    Le Livre : Cézanne. Des toits rouges sur la mer bleue – Marie-Hélène Lafon – Éditions Flammarion



     

     

  • Qu'elle était verte ma vallée - Richard Llewellyn

    Pour démarrer la série des lectures de l’été j’ai choisi le Pays de Galles, ses terrils, ses mines et ses chants

     

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    Une fois n’est pas coutume c’est un film qui m’a décidé à lire ce livre, le film est superbe et le livre magnifique. J’ai vu le film de nombreuses fois et lu ce livre à plusieurs reprises ma première lecture remonte à 1995 ...hier ...
    Il vous faudra fouiller dans les bibliothèques car ce livre est aujourd’hui indisponible, j’espère que vous tomberez sous son charme si ce n’est pas déjà fait.

    Le Pays de Galles quand la reine Victoria règne encore, quand les paysans se transforment en mineurs, quand le village ne craint pas d’être enseveli par une montagne de scories, le Pays de Galles quand la famille Morgan entre en scène.

    Entrons chez Huw Morgan le héros du livre, entrons dans sa maison pour y être accueillis par sa mère qui comme chaque jour est aux fourneaux.  Ils sont assis autour de la table, le père qui va découper la volaille, les cinq frères dont Ivor est l’aîné,  tous mineurs, les deux soeurs de Huw.  Bientôt s’ajoutera à la famille Bronwen la femme d’Ivor.
    Les femmes de mineurs  le samedi « s’installaient sur une chaise, devant leur porte, et attendaient le retour des hommes, gravissant la colline. »

     

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    Les tabliers des femmes s’emplissaient de pièces d’or durement gagnées au fond de la mine. Le dimanche était réservé au temple, à la lecture de la Bible. Parfois le père et ses garçons allaient assister à un match de rugby et Huw lui courait acheté du toffee avec son argent de la semaine.

    La vie était belle et les conflits avec la direction de la mine finissaient par s’arranger, alors s’élevaient les chants des villageois « voix sonores, s’envolant en multiples harmonies »

    Un chant gallois

    Huw Morgan se souvient des images et des sons de son enfance, de son amour pour la femme d’Ivor son frère aîné, amour d’enfant oui mais ne riez pas de lui car « prétendre qu’un enfant puisse être amoureux peut sembler absurde. Mais que vous le croyez ou non, j’ai été cet enfant et personne sinon moi n’a su ce que j’éprouvais »
    Huw est un enfant sage, qui craint et admire son père et ses frères, regardez le vivre au quotidien dans ce village qui est en train de changer. Le travail se fait plus rare, les salaires baissent, le mot grève est prononcé. Fini le temps où l’on s’inclinait devant la direction, l’idée de syndicat flotte dans l’air même si le mot est tabou à la table des Morgan.

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    Vous allez vivre le temps d’un livre au coeur de cette famille, voir Huw grandir, voir son amour des livres s’épanouir, le voir entrer à l’école. Mais vous allez aussi accompagner les mineurs dans leurs revendications, leur révolte pour une vie plus juste.
    Huw grandit au rythme des difficultés du village que tente de lui expliquer le pasteur Mr Gruffydd. A t-on le droit de se servir de ses poings pour se faire respecter ? Est-il normal que seule la fille soit montrer du doigt quand elle met un enfant au monde sans être mariée ? la bataille contre les injustices n’est-elle pas légitime ?
    C’est douloureux de grandir, de voir mourir les uns, partir les autres. Et arriver à l’âge adulte il est difficile de se retourner sur ce passé empreint de beauté, de chaleur et de regrets.
    "Qu'elle était verte, alors, ma vallée, la vallée de ceux qui ne sont plus !"

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    Huw entouré de ses parents


    Aux sons des chants gallois laissez vous séduire par ce roman initiatique, roman de formation au plus beau sens du terme.
    Vous allez vibrer et je serais très étonnée que quelques larmes ne viennent pas
    On aime tout ici : les descriptions de cette vie simple, le récit réaliste où Zola n’est pas loin, un récit où des mots comme entraide, solidarité, équité, justice, vous rendent témoins et complices des combats de ses hommes pour une vie meilleure.

    How green was my valley le fim

    L’écriture est simple, émouvante parfois lyrique, toujours on y entend la sincérité.
    Il n’est pas étonnant que John Ford se soit emparé de ce récit pour en faire un superbe film qui reçu l’Oscar du meilleur film.
    Livre avant film, film puis livre, peu importe, les deux sont des oeuvres émouvantes trouvent une place dans le coeur du lecteur et du spectateur.

    AVT_Richard-Llewellyn_5455.pjpeg.jpgL’auteur
    Il est né à Hendon, Londres, en 1906.  La plupart de ses romans ont pour cadre le Pays de Galles ; le plus célèbre, Qu'elle était verte ma vallée (How Green Was My Valley) de 1939, lui donna une renommée internationale et fit l'objet d'un film de John Ford.
    Il vécut une vie pleine de péripéties, voyageant beaucoup. Avant la Seconde Guerre mondiale, il travailla dans des hôtels, écrivit une pièce, travailla comme mineur et écrivit son roman le plus connu. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il devint Capitaine dans la "Welsh Guard" (garde galloise).
    Après la guerre, il travailla comme journaliste pour le procès de Nuremberg, et écrivit des scénarios pour MGM. Plus tard, il s'installa à Eilat (Israel). (source wikipédia)

  • Dictionnaire amoureux de Montaigne

    J’aime bien la collection des Dictionnaires amoureux et j’attendais patiemment que quelqu’un nous propose un dictionnaire de Montaigne.

    Voilà c’est fait et avec André Comte-Sponville ce qui est pour moi gage de qualité car ce talentueux philosophe est plein d’admiration et de ferveur pour le gascon.

    Vous allez me dire que j’ai déjà lu des biographies, des essais sur Montaigne, oui mais voilà je ne m’en lasse pas donc hop le dictionnaire prend place sur mes étagères.

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    L'auteur © Indra Crittin

    Dans son livre : Education philosophique et dans une interview, l’auteur dit : « Bizarrement je n’ai jamais eu aucun cours sur Montaigne durant toutes mes études ». 

    Avec ce dictionnaire André Comte-Sponville se fait un devoir et un plaisir de vous convaincre que lire Montaigne « c’est rencontrer un ami » car l’auteur des Essais est  « Un type extrêmement attachant » 

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    D'autres dictionnaires amoureux

    Les Essais sont portés par une écriture éblouissante dit André Comte-Sponville même s’il reconnait que Pascal sur des sujets identiques est plus percutant, mais voilà Pascal ne possède pas le côté ondoyant, sinueux, souple de Montaigne qui l’enchante. Il révère la liberté de pensée de Montaigne, une pensée bien audacieuse pour l’époque et aujourd’hui encore bonne pour nous lecteur. « Montaigne n’appuie jamais: il dit ce qui lui vient dans l’instant, comme cela vient, dans la vivacité, la légèreté, la fragilité de l’improvisation, quitte à y revenir plus tard, à changer d’avis peut-être. »

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    © Professeur Foray  Université pour tous Jean Monnet 

    Ce qui rend ce dictionnaire si plaisant c’est le talent avec lequel l’auteur sait rendre simplement tout la richesse de pensée de Montaigne, sait nous le faire approcher très intimement et nous propose d’en faire notre compagnon de route, un voisin et ami pour notre propre pensée.

    Il ne se lasse pas de nous dire à quel point Les Essais peuvent nous apprendre à penser, à douter mais surtout que « Montaigne nous apprend à aimer la vie telle qu’elle est, imparfaite, mortelle »

    Pour André Comte-sponville, Montaigne nous enseigne le bonheur avec ses limites et c'est avec obstination que Montaigne nous dit « C’est chose tendre que la vie » à condition de vivre au présent, lui qui vivait en un temps de guerres et d’épidémies, le Covid n’est pas si loin, et Montaigne enfonce le clou  « Pour moi donc, j’aime la vie. ».

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    Montaigne © Le Monde 

    Ce dictionnaire montre bien que pour les lecteurs assidus du philosophe le plaisir de lecture n’est jamais émoussé et que l’on peut après bien des années y trouver encore des sujets d’étonnement.

    J’ai bien entendu mes entrées préférées dans ce dictionnaire 

    L’âge, oui ce n’est pas la folle gaieté mais j’aime le commentaire que l’auteur fait pour lui même et que je partage totalement, sur la vieillesse, la douleur, la proximité de la mort.
    « Ses protestations face au grand âge, me font plus de bien que tant de dénégations optimistes ou hypocrites, qui font aujourd’hui florès et me donnent envie de vomir. Trop de sucre, trop de mensonges. Ils font semblant de ne pas vieillir ou d’aimer ça :c’est une marque encore de la vieillesse qui se méconnaît elle-même »

    L’entrée Chine un peu surprenante mais comme elle fait intervenir François Jullien le sinologue que j’ai beaucoup lu et aimé, elle m’a passionné, Montaigne le plus chinois des philosophes ?  Je vous laisse découvrir pourquoi.

    Plus d'une heure d'interview 

    J’ai aimé l’entrée Admirateurs avec les écrits des amoureux de Montaigne.
    Vauvenargues voit en Montaigne « un prodige dans des temps barbares »  

    Goethe admire son « tour d’esprit inestimable et serein »

    Stendhal juge que son style est peut-être celui , dans toute la littérature française, « qui a le plus de coloris ».

    Flaubert qui s’y connaissait en matière de prose, apprécie lui « le plus délectable de tous les écrivains »  Il dit « lisez le d’un bout à l’autre, et quand vous aurez fini, recommencez »

    Zola aime « sa fermeté, sa gaieté, son allure libre » En un mot conclut-il « je suis son disciple, son fervent admirateur »

    Parlant de Montaigne Tzvetan Todorov disait « qu’il était celui qui a lu tous les Anciens et que tous les Modernes ont lu. »

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    Orson Wells le déclare son « auteur préféré, le plus parfait écrivain que le monde ait produit »

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    L’hommage qui touche le plus André Comte Sponville, « est celui en acte de Tolstoï. Lorsqu’il partit pour son dernier voyage, dont il ne devait pas revenir, l’auteur de Guerre et Paix, n’emporta que deux livres :la Bible et les Essais »

     

    La forme du dictionnaire est très proche de la forme de lecture que Montaigne appréciait, le dictionnaire vous permettra de pilloter dans l’oeuvre et la pensée de Montaigne et vous irez « A sauts et à gambades » en compagnie d’un ami.

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    ce qu'était peut-être sa bibliothèque

    André Comte-Sponville dit dans une interview que  « c’est le plus libre des esprits libres. C’est peut-être bien le plus grand écrivain français » montrant par là la modernité de Montaigne quatre siècle après sa mort, il est sensible à un Montaigne qui reste « humain dans une époque inhumaine »

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    Le livre : Dictionnaire amoureux de Montaigne - André Comte-Sponville - Editions Plon

  • Hard Times - Studs Terkel

    hardtimes.gifHard Times Histoires orales de la Grande Dépression - Studs Terkel - Traduit par Christophe Jaquet - Editions Amsterdam
    Avez-vous vu le film  On achève bien les chevaux non ? Alors peut-être avez vous lu Les Raisins de la colère parce qu’alors vous avez eu un bref aperçu de la Grande Dépression, le nom donné à cette période qui aux Etats-Unis (et ailleurs) celle au cours de laquelle des petits fermiers furent ruinés, des ouvriers se retrouvèrent au chômage, des directeurs de banque se jetèrent par la fenêtre pour échapper à la faillite.....
    C’est cela dont il est question dans ce livre mais ici pas de statistiques pas de thèse de sociologue, ce que l’auteur a souhaité c’est  comprendre l’expérience des gens ordinaires, écouter les témoins, les survivants ou leurs enfants.

    L’auteur Studs Terkel a interviewé, fait parlé, écouté, des dizaines d’américains à travers tous les états sur la période la plus noire de son pays après la guerre de Sécession. IL a regroupé ces témoignages en quelques chapitres évocateurs comme : Faire du fric,  le voyage à la dure, le fermier c’est l’homme, Expulsions et humiliations par exemple.
    C’est la parole libre de ces gens ordinaires qui rend toute la complexité du phénomène et dessine une vaste fresque où se lisent les retentissements de cette crise sur les individus, la société de l’époque et des années qui ont suivi.

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    ©Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art

    Tous n’ont pas été affecté de la même façon par la crise, certains même en ont tiré profit, mais pour la plupart les cicatrices sont encore visibles au moment où Terkel les rencontre.
    Dans ce kaléidoscope certaines images sont plus fortes, plus marquantes que les autres. Comme lors de toutes les périodes troubles le pire côtoie le meilleur, les gestes de solidarité voisinent avec la répression brutale des marches contre la faim, la fraternité contre les coups des milices privées.
    Studs Terkel donne la parole à tous en un vaste panorama de l’Amérique de l’époque.

    Fermiers jetés sur les routes  "Je me souviens que plusieurs familles avaient dû partir dans des fourgons, pour la Californie, je crois" Travailleurs sociaux comme John Beecher qui au lieu de continuer sa thèse sur la misère au temps de Dickens a décidé de savoir ce qui se passait réellement et qui devient travailleur social puis administrateur du New Deal.

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    Les Raisins de la colère

    Chômeur comme Slim Collier " En 1939, je suis devenu saisonnier itinérant. j’ai trouvé un boulot de coupeur d’asperges, à 15cents d’ l’heure, il fallait faire aussi vite que tu pouvais. Je me souviens que le dos me faisait mal parce qu’on travaillait accroupi, et que le patron gueulait Vous voyez ces types là-bas ? ils attendent que l’un de vous se fasse virer."

    Mineurs qui se voie brutalement privé d’emploi « Les mines ont fermé, les gens n’avaient plus rien pour vivre. Les enfants à l’école, s’évanouissaient de faim. Bien avant l’effondrement de la Bourse. »
    Pour certain la crise a été brutale, pour d’autre elle couvait " Dans cette ville ensoleillée, la Dépression est venue imperceptiblement. J’en ai pris conscience quand tante Lila a dit qu’il n’y avait plu rien à manger dans la maison."

    Ceux qui cherchent à survivre un jour de plus, trouver de quoi nourrir ses enfants même si c’est à coup de tartines de moutarde, un médecin raconte " Dans les rues et dans les tramways, les gens crevaient de faim. (...) Chaque jour quelqu’un s’évanouissait dans un tramway.(...) C’était toujours la même chose, on savait ce qu’il avait. C’était la faim." Ceux qui se lancent dans des marathons de la danse pour gagner quelques sous

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    On achève bien les chevaux - Sidney Pollack - Jane Fonda

    Ceux qui souffrent depuis toujours  " Les Nègres, ils n’ont jamais rien connu d’autre que la crise. Ça ne veut pas dire grand-chose pour nous, la Grande Dépression américaine, comme vous dites. Ça n’a jamais existé. Le mieux qu’un Nègre pouvait espérer, c’est d’être portier, cireur de chaussures, gardien. La crise est devenue officielle seulement quand elle touché les Blancs." mais pour qui la crise va servir de révélateur " Je pensais que c’était normal qu’un nègre se fasse taper dessus et qu’on n’avait qu’à accepter tout ce que faisaient les Blancs. Je ne savais pas qu’un Nègre avait le droit d’être libre comme tout le monde. "

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    Photo Dorotea Lange - Archives de la Farm Security Administration

    Tout le monde est touché des étudiants sont empêchés d’étudier " J’ai fait l’erreur de dire au contremaître que je m’étais inscrit aux cours du soir (...) Il a dit M Ford ne paie pas les gens pour qu’ils aillent à la fac, vous êtes viré. »
    Les gens se retrouve à la rue " J’ai vu non pas des centaines mais des milliers d’hommes emmitouflés dans leurs pardessus, couchés à même le trottoir."
    Pour trouver du travail tout est bon, les hommes voyagent cachés dans des wagons, il faut mettre sa fierté dans la poche et prendre la soupe de l’Armée du Salut, échapper aux milices ferroviaires, tenir la grève un jour de plus " La grève de 1931 a porté sur les lectures à l’usine. Les ouvriers payaient de 25 à 50 cents la semaine pour qu’un gars leur fasse la lecture pendant le travail.(...) Ainsi de nombreux ouvriers, qui étaient illettrés, connaissaient les romans de Zola, de Dickens, de Cervantès et de Tolstoï.(...) La grève a été perdue. Les lecteurs ne sont jamais revenus."

    La solidarité joue parfois  "C’était l’époque où la saisie des fermes arrivait chez nous. (...) Il prenaient la propriété d’un fermier, la mettait aux enchères, tout le voisinage venait. Ils se disaient qu’ils achèteraient bien un cheval 25 cents. Ils payaient 10 cents pour une charrue. Et quand tout était fini, ils rendaient tout au fermier." mais pas toujours car la faim, la misère font accepter l’inacceptable " On travaillait seize heures par jour, dix sept. Le patron disait de nettoyer. Si on ne nettoyait pas, le lendemain il y avait un autre gars dans la mine pour nettoyer." l’homme est ravalé au rang de bête " Ils lui ont dit qu’une mule valait plus qu’un homme. Ils devaient payer 50 dollars pour une mule, alors qu’ils pouvaient avoir un homme pour rien."

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    Photo Dorothea Lange - Archives de la Farm Security Administration

    Quelques uns tireront partie de cette crise, des malins, des chanceux " J’ai inventé ce truc qui est devenu casse-pieds pour beaucoup de gens. Je prenais des photos des gens à la mode et je les envoyais aux journaux." Dans certains secteurs la crise était même une bénédiction, la dépression dans les milieux du cinéma "On appelle ça l’Age d’or".
    Des personnalités se font jour , certaines contestées et parfois contestables : Huey Long par exemple dont le fils chante les mérites mais qui fut un politicien très peu scrupuleux. Roosevelt est porté aux nues par certains et promis à l’enfer pour d’autres.

    On voudrait tout citer. Ces entretiens faits par Studs Terkel sont bouleversants, à la fois crus et pudiques et d’une grande sincérité. Un travail passionnant et extraordinaire par son ampleur. Un cahier de photographies de Dorothea Lange vient compléter les textes.


    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque, dans la mienne il sera à côté de « Histoire populaire des Etats Unis » d’Howard Zinn.

    Interview d’André Schiffrin éditeur et ami de Studs Terkel

    L’auteur
    terkel-studs-01.jpgLouis « Studs » Terkel (1912-2008) s’est rendu célèbre aux États-Unis comme journaliste de radio et comme auteur de nombreux recueils d’entretiens, tous publiés par l’éditeur André Schiffrin, qui constituent autant d’histoires orales des États-Unis. C’est l’une des grandes figures de la gauche radicale américaine au XXe siècle. Trois de ses ouvrages ont été traduits en français : Working. Histoires orales du travail aux États-Unis ; « La Bonne Guerre ». Histoires orales de la seconde guerre mondiale: Prix Pulitzer 1984 (Source l’éditeur )