La question se posait déjà dans le livre de Nicolas Werth à la lecture des témoignages : Quel regard porte la Russie d’aujourd’hui sur l’histoire du Goulag, pas de repentir affiché, une histoire à peine effleurée dans les livres d’école, tout un peuple qui semble faire l’impasse sur une réalité effrayante, à peine croyable.
C’est un photographe polonais qui l’a fait grâce à deux livres, et c’est le deuxième livre dont je veux aujourd’hui vous parler.
Entre 1937 et 1938 en l’espace de seize mois 750 000 personnes furent assassinées, exécutées sur ordre de Staline, du Politburo et des potentats locaux du NKVD.
Les instigateurs : Staline, Vorochilov, Iejov
En étroit lien avec l'association Memorial Tomasz Kizny a eu accès aux archives de cette période.
Il a réalisé un travail à la fois extraordinaire et bouleversant.
Les photos en disent plus que des mots parfois et les photos de T Kizny sont d’une puissance rare.
Des dizaine de portraits d’hommes, de femmes et parfois d’adolescents, qui sont photographiés alors que le verdict de mort ne leur a pas été annoncé.
Montage des photos d'identité © Tomasz Kizny
Ici les nombres prennent des visages, il ne s’agit plus de ….victimes, non c’est Alekseï Grigorievitch, c'est Evdokia Arkhipova, ce ne sont pas des noms sur une liste c’est une personne, un visage...
C’est une forme de réparation que Tomasz Kizny leur offre.
On peut lire avec chacun de ces portraits qui étaient les victimes : des artisans, des paysans, des ingénieurs, des personnes que le régime a voulu purement et simplement effacer.
Ivan Alexeïevitch Belokachkine
Tous n’étaient pas russes loin de là, polonais, allemands, finlandais ont fait l’objet de la même répression aveugle.
Condamnés pour être des ennemis du peuple, des espions, des saboteurs ou simplement des « nuisibles » . Pour la plupart réhabilités après la mort de Staline.
Nicolas Werth a également contribué à ce livre en ajoutant les explications de l’historien sur ce massacre longtemps ignoré, caché, que les familles des victimes elles-mêmes tenaient secret.
Pour lui « Vingt ans après la grande révolution socialiste d'Octobre, le régime soviétique perpétra le plus grand massacre jamais mis en oeuvre en Europe en temps de paix.»
© Tomasz Kizny
Une seconde grande partie du livre est constituée par les lieux de massacre et d’exécutions, lieux où parfois les familles ont voulu marquer le souvenir en nouant un foulard ou en accrochant une photo sur un arbre, en plantant une croix.
Certains de ces lieux ont livré leur secret mais tous n’ont pas été identifiés. Ces lieux de mémoire sont le travail de l’association Mémorial, la carte qui existe aujourd’hui sur le site des archives du Goulag donne un aperçu de l’ampleur du travail fait. Sur le site vous pouvez aussi écouter des témoignages, tous ne sont pas traduits en français hélas.
carte des camps et des lieux d'exécution © Le Monde
Vous l’avez compris c’est un livre remarquable et indispensable pour conserver le témoignage d’une barbarie d’état.
« Sur le long chemin menant du dévoilement à la compréhension de ce crime de masse, le présent ouvrage de Tomasz Kizny constitue un jalon capital. » dit Nicolas Werth.
Ce livre permet que ces hommes et ces femmes ne soient pas condamnés à l’oubli définitif, il empêche l’amnésie de tout un peuple, c’est tout l’honneur de ce livre.
Le livre : La Grande Terreur - Tomasz Kizny - Editions Noir sur Blanc