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  • Repenser la pauvreté - Abhijit Banerjee et Esther Duflo

    Près d’un milliard de personnes vivent avec moins de un dollar par jour 

     

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    Souvent lors de collectes, de campagnes de dons, je me suis demandé : où va mon argent ? est-il utilisé intelligemment, pour des projets viables, indispensables.

    Mais jamais je n’avais réfléchi vraiment aux questions que posent Esther Duflo et Abhijit Banerjee dans leur livre. 

    Les deux économistes sont partis des comportements des individus et des programmes mis en place par les différentes institutions pour lutter contre la maladie, pour promouvoir l’éducation et la contraception, pour améliorer les ressources.

    Ce que montre très bien ce livre c’est que la pauvreté est un piège dont il est difficile de sortir. 

    On sait que le niveau de vie augmente quand les enfants sont vaccinés, quand les hommes ont accès à l’eau, quand les enfants sont scolarisés, quand le nombre d’enfants par famille est en lien avec les ressources, quand l’agriculture est bien menée. 

     

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    Alors ? 

    Pourquoi les pauvres ne vaccinent-ils pas leurs enfants alors même que c’est gratuit ?

    Pourquoi n’épargnent -ils pas un peu en prévision d’un mauvaise récolte ?

    Pourquoi n’utilise-t-il pas les comprimés de désinfection de l’eau qu’on leur distribue ? 

    Pourquoi n'utilisent-ils pas les moustiquaires distribuées pour lutter contre le paludisme ?

    Pourquoi quand leur ressources augmentent un peu ne consacrent-ils pas l’argent à améliorer leur nourriture ou les cultures ? 

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    Si nous nous posons ces questions c’est parce que nous dans le même cas c’est ce que nous ferions ! 

    C’est oublier un peu vite que nous vivions dans des pays où nous avons accès à l’information, où nous pouvons (presque toujours) faire confiance au médecin, aux médicaments. Nos croyances et nos représentations ont évoluées et nous permettent la plupart du temps de prendre les bonnes décisions. Mais les modèles sociaux qui nous régissent sont forts et il ne faut pas oublier que parfois les programmes de limitation des naissances se sont transformés en campagne de stérilisation obligatoire sans que les pauvres aient leur mot à dire, que les contrefaçons médicamenteuses sont une plaie en Afrique, comprendre les bienfaits d’une action préventive est compliqué et que parfois une désinformation peut mettre à mal la santé y compris dans les pays occidentaux ( recrudescence de mort par rougeole aux USA). 

    Avoir une famille nombreuse est indispensable quand vous n’avez ni sécurité sociale ni système de retraite. Il est inutile d’espérer améliorer votre outil de travail si vous n’accédez pas au crédit.

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    Esther Duflo et Abijit Banerjee s’attaquent aux idée reçue bien ancrées dans nos façons de voir et nous montrent le piège de la pauvreté qui est basé sur l’intrication de multiples facteurs. 

    Le livre incarne les problèmes à travers des individus, des familles ce qui rend à la fois le propos plus proche, plus concret et en même temps rend la lecture très facile et les données statistiques et économiques moins ardues.

    Ce que les auteurs pointent comme problème c’est :

    Le manque d’informations des pauvres et les croyances qui freinent leurs choix, le fait qu'ils assument trop de responsabilités alors que nous sommes en permanence soutenu (école, hôpital, prêts, assurances, stabilité politique), qu'ils manquent de confiance en l’avenir, si nous acceptons de nous priver aujourd’hui c’est pour utiliser notre argent demain, mais ce discours n’a pas de sens quand l’avenir est très incertain.

     

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    Ces problèmes ils les ont identifiés à travers des expériences concrètes dont on peut mesurer scientifiquement les résultats.

     Un exemple

    Des vendeuses de légumes verraient leur affaire se développer et prospérer si elles s’achetaient un chariot pour les transporter, elles pourraient économiser en se privant du thé qu’elles consomment chaque jour, pourquoi ne pas le faire ? simplement parce que l’effort consenti est certain alors que l’avenir ne l’est pas, que leur vie n’est pas suffisamment stable pour qu’elles aient confiance dans le résultat. 

     

    Autre exemple en matière d’incitation à la vaccination donné par Esther Duflo dans le livre

    «  Une des solutions est de donner un petit encouragement, 1 kg de lentilles, par exemple. Petit, car cela ne forcera pas les gens qui ne le veulent pas. On a fait cette expérience dans 120 villages en 2007. Résultat, si l’on ne fait rien pour les inciter, 6% des gens se font vacciner ; après avoir mis en place des campagnes d’informations, on passe à 17%, et lorsqu’on donne un sac de lentilles, on arrive à 38%. Depuis, les taux ont même augmenté. »

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    Le livre fourmille d’anecdotes très concrètes comme celles là et aide à comprendre les motivations et les freins à la lutte contre la pauvreté même lorsque comme moi on a des notions d’économie très très basiques.

    Il faut nous disent-ils mettre en place et tester des programmes d’aide selon des protocoles scientifiquement choisis, lister ce qui marche et ce qui ne marche pas, ce ne sera pas une panacée universelle mais aujourd’hui 204 expérimentations sont en route dans 40 pays pour des programmes de santé, d’éducation, de microcrédit, d’amélioration des techniques agricoles. 

    J’ai aimé leur foi forte dans l’idée que « Les petits changements ont de grands effets » et que la lutte se construit brique à brique.

     

    Quelques liens 

    Le blog d'Annie qui m'a fait découvrir ce livre 

    Les Objectifs du Millénaire pour le développement de l’ONU

    L’association Pratham avec laquelle les auteurs ont travaillé 

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    Le livre : Repenser la pauvreté - Abhijit Banerjee et Esther Duflo - Editions du seuil

  • Une belle reconnaissance

    Avant de publier le billet prévu aujourd’hui je ne peux pas m’empêcher de dire c’est avec joie que j’ai appris que le Nobel d’économie était décerné à Esther Duflo et aux américains Abhijit Banerjee et Michael Kremer 

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    Son livre repenser la pauvreté  m’avait passionné en 2012 quand il avait été publié, tout était intéressant dans ce livre : les exemples donnés, les erreurs que commettent en général les pays riches ou les organismes qui tentent d’éradiquer la misère, les solutions possibles.

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    Pour une fois les jurés du Nobel ont fait un choix qui sort un peu de l’habituel débat économique en disant que les recherches des trois lauréats ont 

    « considérablement amélioré notre capacité à lutter contre la pauvreté globale. En deux décennies, leur approche basée sur les expérimentations a transformé l’économie du développement »

    Le livre est en poche aujourd'hui profitez-en et allez lire l'article d'Annie sur ce livre qu'elle a beaucoup aimé 

  • Dostoïevski Les années miraculeuses - Joeph Frank

    Les biographies sur Dostoïevski sont multiples, on peut en trouver de toutes sortes mais LA biographie indispensable c’est celle de Joseph Frank. On n’est pas aussi favorisé que le public anglo-saxon qui dispose d’une bio en 6 volumes, Actes Sud avec l’aide de l’auteur a réduit cela à un volume uniquement, certes une biographie réduite mais malgré tout oh combien passionnante ! 

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    La version française est centrée sur ce que Frank appelle les années miraculeuses, les années les plus productives pour Dostoïevski.

    Peut-on se représenter le travail de l’écrivain ? En six ans ce sont cinq des plus grands textes russes qui vont être publiés. Crime et châtiment, Le joueur, L'idiot, L'éternel mari et Les démons 

    Dostoïevski est rentré de l’exil qui a suivi le bagne, repris un travail littéraire mais la mort de son frère et de sa femme l’ont mis dans une situation difficile le contraignant par devoir à prendre en charge un beau-fils et la famille de son frère. Ses dettes s’accumulent, ses éditeurs ne lui font aucun cadeau, les crises d'épilepsie augmentent.

    Il est acculé et contraint à écrire sans relâche. Spirale infernale.

    C’est la collaboration puis le mariage avec  Anna Grigorievna  Snitkina.

     

    Plus de vingt ans les séparent mais cette jeune femme est sans doute pour beaucoup dans ces années miraculeuses, permettant à l’écrivain de faire face à ses engagements, l’aidant à supporter la charge familiale, tolérant son addiction au jeu et lui offrant une vie de famille paisible. Quatre années en Europe  permettent d’échapper un peu aux créanciers mais aussi de perdre le peu d’argent qu’il gagne sur les tapis des casinos.

     

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    Crime et Châtiment paraît en feuilleton  en 1865, les critiques sont parfois sévères mais les lecteurs sont au rendez-vous. 

    « ouvrage d’une puissance fascinante, l’un des plus importants romans du XIXe siècle, qui dès sa publication suscite une grande controverse critique »

    Pour aider le lecteur  J Frank nous souffle

    « Il y a donc, enchâssé dans Crime et châtiment un point de vue sur la façon dont il faut lire le roman  (...)

    Personne à notre connaissance, n’a jamais accordé la moindre attention à cette composante : il serait utile de réparer cette omission flagrante. »

    Il attire notre attention sur

    « certaines pages les plus émouvantes que Dostoïevski ait jamais écrit »

    Raskolnikov est patiemment disséqué, étudié, critiqué, compris.

    « Dans la pure tradition du roman du XIXe siècle, Dostoïevski achève son livre sur un épilogue par lequel l’existence des ses personnages principaux se poursuit au-delà des limites de l’intrigue, qu’avait close l’aveu de Raskolnikov. »

     

    Si l’accouchement de Crime et Châtiment fut difficile c’est avec la parution du Joueur que

    « Dostoïevski est parvenu à gagner l’un des plus grands paris de sa vie; il réalise la prouesse exceptionnelle de composer une longue nouvelle en moins d’un mois, en respectant le délai imposé. » grâce à Anna Grigorievna.

     

    Mariage, départ pour l’Europe.C’est en voyage qu’il rencontre Tourgueniev et qu’il affine ses idées sur l’Europe, la Russie, le nihilisme.

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    Vous pouvez aussi faire le choix du livre audio

     

    L’encre du roman précédent est à peine sèche qu’il lui faut de nouveau chercher l’inspiration pour un nouveau roman. Il accumule les notes, les compilations de faits divers, il cherche un personnage

    « qui incarne son idéal moral positif. »

    Il va créer le Prince Mychkine affligé d’épilepsie, Aglaïa, Nastassia Filippovna et Rogojine. 

    « Si l’Idiot est le plus inégal de ses quatre meilleurs romans, il reste le texte où l’écrivain exprime le plus profondément sa vision de la vie, dans toute sa complexité tragique, sur un ton particulièrement poignant  et avec une intense émotion dont le lyrisme touche au sublime. »

    Pour Joseph Frank l'Idiot 

    « est la plus personnelle de ses oeuvres majeures, le livre dans lequel il exprime ses certitudes les plus intimes, les plus chères et les plus sacrées » « Un affrontement dramatique entre l'humain et le divin » 

     

    Dans les derniers mois passés en Europe il va écrire l’Eternel mari une grande nouvelle et débuter Les Démons ! 

    Si vous n’avez jamais lu Dostoïevski commencez par l’Eternel mari, le trio classique de la femme, du mari, de l’amant, mais la farce prend une toute autre dimension sous la plume de Dostoïevski. Il étudie les revirements de personnalité, les évolutions psychologiques, la transformation morale, les conflits intérieurs. Veltchaninov et Troussotski l’éternel mari sont inoubliables.

    « la plus travaillée des oeuvres courtes de Dostoïevski » 

     

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    Les Démons au théâtre 

     

    Dernier des romans des années miraculeuses Les Démons, certainement l’oeuvre la plus difficile d’accès à mon avis dont J Frank nous ouvre les portes.

    L’idée du roman n’est pas récente, Dostoïevski l’a en tête depuis longtemps, il a même commencé à peintre ses personnages.

    C’est le roman qui a fait que les bolcheviks vont doucement éliminer Dostoïevski de la scène littéraire russe pour n’y laisser que Tolstoï moins dangereux.

    Décembre 1869 à février 1870 Dostoïevski va reprendre toutes ses notes et créer l’oeuvre où la vie politique russe est la plus présente.

    Il y a un fond de raillerie et de parodie dans le roman avec les coups de griffes données aux occidentalisés dont Tourgueniev est le représentant.

    Joseph Frank consacre deux chapitres à l’analyse du roman c’est dire son importance.

    Le roman a

    « à maintes reprises été critiqué avec virulence en tant que calomnie malveillante du mouvement révolutionnaire russe »

    l’histoire donnera largement raison à Dostoïevski et l’on peut aujourd’hui considérer

    « le livre comme un ouvrage plus prophétique que diffamatoire ». 

    Stavroguine est un héros inoubliable, maléfique, tourmenté et effrayant.

    Les personnages du roman vivent 

    « les questions morales, philosophiques et sociales les plus profondes et les plus complexes. »

    « Les démons demeurent insurpassés par leur tableau prémonitoires des enlisements moraux et des trahisons potentielles que recèlent (...) l’idéal révolutionnaire. »

     

    Ce livre de Joseph Frank  est pour moi le type même de la biographie parfaite, éclairant l’oeuvre, la faisant vivre, la commentant, l’expliquant et dressant en filigrane le portrait d’un homme tourmenté grâce à des analyses fines et profondes et une connaissance étourdissante de l’oeuvre. 

     

    Le livre fourmille de détails bienvenus, le tableau politique et intellectuel de la Russie permet au lecteur de replacer l’écrivain dans son siècle et d’accéder à l’homme Dostoïevski avec son courage, son abnégation mais aussi sa xénophobie et son antisémitisme larvé. 

    Le propos est  d’une grande richesse et d’une puissante vigueur, l’auteur s’est plongé dans la correspondance, les journaux, et la traduction est très bonne.

     

    Un défaut à cette biographie ? oui celle de s’arrêter trop tôt et du coup de ne pas nous donner l’analyse des Frères Karamazov.

     

     

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    L'auteur et son épouse 

     

    Imaginez un homme qui a passé sa vie à lire et relire Dostoïevski, à analyser son oeuvre, à comparer ses romans et à tenter de comprendre son cheminement intellectuel et personnel. Tellement impressionné par l’écrivain qu’il décide dans les années 50 d’apprendre le russe et qu’il se promène avec sous le bras une grammaire russe et que sa maison est pleine de photos de son auteur fétiche et d’affiches des films adaptés de l’oeuvre.

    Joseph Frank est un universitaire éminent, professeur émérite l'Université Stanford et Princeton. Son travail a été plusieurs fois récompensé par des prix prestigieux aux USA et salué par la critiques :

    « Une réalisation monumentale... »

    « Il a changé de manière significative notre compréhension de l'homme et son travail »

    « Frank a réussi triomphalement »

    « Magnifique... » 

     

    En lisant cette biographie je n'ai pas pu m'empêcher de repenser aux film "la femme aux cinq éléphants" qui montre si bien le travail de la traduction

     

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    Tout Dostoïevski chez Actes Sud 

     

     

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    Le livre : Dostoïevski, les années miraculeuses (1865-1871) - Joseph Frank -  traduit par Aline Weill - Solin Actes Sud